mercredi 28 décembre 2011

La forêt

Je ne redirais jamais assez le bien que je pense de cette collection " Mes premières découvertes" de Gallimard. Bien que certains titres me paraissent plus pauvres en informations ou en investissement sur le sujet, au global j'y retrouve tout ce que j'aime dans un documentaire pour enfant. Des illustrations réalistes sur un sujet réel, des explications claires mais aussi fouillées, des interactions avec l'enfant. Je vous parlais là des "J'explore" qui utilisent l'astuce d'une "lampe magique" et de détails pour parler de la faune et de la flore ou là du corps humain.

La collection papier propose maintenant des applications pour Ipad/ Iphone dont une gratuite, "La forêt".
Je vous propose de vous jeter dessus: il ravira les enfants de 3 à 6 ans! Et puis c'est de saison: de quoi découvrir qu'une sapinière est une forêt d'épineux.

*source.

D'une part, vous y trouverez des renseignements très clairs sur ce qu'est une forêt, les différences d'essences d'arbres, leur localisation géographique. Mais aussi vous entrerez dessous, trouverez les "fruits" comestibles, les habitants, les plantes de sous-bois.
Il y a bien-sûr cette balade bucolique mais vous suivrez aussi l'utilisation des forêts dans l'industrie du bois et la replantation, le rôle des racines sur les collines et des épineux sur les avalanches.
D'autre part, les enfants sont acteurs, dans la collecte, dans le passage des saisons, dans l'abattage des arbres. Il sera assez intéressé pour revenir plusieurs fois vers cette application.
Un vrai bonheur qui est aussi passé de mains en mains... d'adultes.

*source

N'hésitez pas à lire ici et . Et pour ma part, si proposer un ebook est compléter la proposition par de l'interaction réelle et un véritable investissement dans les astuces, je ne dis pas non. Pour les autres, doublons du papier, pfouh... à la poubelle (euh non la corbeille).

mardi 27 décembre 2011

Le corps & La vie du corps

Cela fait longtemps qu'ils sont presque sur la table de chevet de notre lutin de 5 ans. Il faut dire que ces deux volumes, "Le corps" et "La vie du corps" illustré par Sylvaine PEYROLS, offrent tout ce qu'il faut à un enfant: des informations claires, des petits focus et surtout, surtout, des transparents à soulever permettant une interaction et un regain de curiosité.

"Le corps" est une présentation de l'organisme. De sa création multicellulaire, à ce corps qui grandit, différent entre espèces (mammifères) et même dans le genre humain. Une peau, des ongles, des cheveux, des dents mais aussi des os, des muscles et des organes.

C'est une première approche du corps, de ses différences, féminin et masculin, et de son rythme journalier.

"La vie du corps" explique lui les systèmes, digestif (cette progression de la pomme émerveille toujours), respiratoire, hormonal, éliminatoire et tout cela avec des termes simples, précis et vrais. Soit nos besoins en air, en soleil, en eau, en aliments.

Pour suivre toutes nos présentations de la biologie humaine, vous pouvez suivre quelques chemins par là.


dimanche 25 décembre 2011

mercredi 21 décembre 2011

Les îles du temps, La forêt au temps des dinosaures

© Maria MAZZANTI, Giovanna BOSI et Ricardo MERLO / Le Pommier

"Les îles du temps, La forêt au temps des dinosaures" de Maria MAZZANTI, Giovanna BOSI et illustré par Ricardo MERLO est un livre pépite.
Bien-sûr il vous faut une curiosité, et botanique et pour les temps reculés, très reculés. Bien-sûr il vous faut aimer les illustrations scientifiques, où toutes les parties de la plante sont présentées au mieux... oui bien-sûr, bien-sûr.
Mais ce serait limiter ce livre.

Par le biais d'une histoire, l'aventure extraordinaire du Professeur Salsepareille, nous découvrons les ères géologiques ayant vu naître les premiers végétaux et animaux.
Lui et son équipe découvrent derrière un banc de brumes, véritable mur du temps, de nombreuses îles qui chacune présente un temps reculé propre. Le texte est court offrant place à des pages entières d'illustrations sous forme de paysages grandioses. Quelques anecdotes remettent en scène les proportions des rencontres, végétales et animales.
Les proportions sont magnifiques et les encarts nommant la faune marine et terrestre sont très fournies.

© Maria MAZZANTI, Giovanna BOSI et Ricardo MERLO / Le Pommier

Tous ces vivants ne sont pas forcément mis en scène, ils sont présents comme pour être listés. Là, quelques dinosaures mais beaucoup plus de reptiles marins et terrestres. Les illustrations de nombreuses "bêtes" aussi fantastiques et disproportionnées par rapport à notre temps d'homme provoquent l'admiration et, à n'en pas douter, de nombreux futurs rêves d'enfants.

Ensuite ce sont les carnets (du Professeur) qui s'ouvrent: des planches entières de botanique. Et comme les paléobotanistes, nous suivons leurs problématiques et l'évolution du monde végétal.

© Maria MAZZANTI, Giovanna BOSI et Ricardo MERLO / Le Pommier

Les plantes, herbes, arbres et plus tard fleurs, sont présentés de manière très scientifiques avec leur mesure et souvent l'homme comme étalon de proportion.
Les coupes transversales et les macros présentent alors les détails: l'irrigation, l'importance des nervures pour en faire une feuille, la reproduction végétale avec l'apparition des premiers organes reproducteurs féminin (ovule) et masculin (pollen), mais aussi l'apparition des racines, des premières fleurs. En fouillant, c'est tous les défis des végétaux qui nous sont présentés.
Nous suivons aussi les formes de classification mais aussi les difficultés à reconnaître une forme végétale: véritable puzzle des fossiles mais aussi reconstitution faussée...

Le livre offre aussi une chronologie illustrée des ères géologiques: d'un côté sous l'eau et sur terre (la faune), de l'autre le végétal.

© Maria MAZZANTI, Giovanna BOSI et Ricardo MERLO / Le Pommier

Puis, la dernière partie du livre amène la présentation des derniers survivants (ginkgo) ou descendants de ces ancêtres. Pour le survivant, c'est aussi une magnifique leçon sur le potentiel des humains: ils ont permis sa survivance par sacralisation de l'arbre.
Quelques activités sont alors proposées: de la confection d'une plante en fil de fer et pâte à modeler, à la recherche dans le milieu naturel en passant par des dessins artistiques. Nous retrouvons alors la "plante des dinosaures", soit une sélaginelle "plante de la résurrection" ou "rose de Jéricho", qui se met en boule sèche et brune sans eau et revit (et verdit) avec l'eau retrouvée. Mais aussi de quoi occuper quelques moments en train à admirer les queues de rats, de cheval des prêles.
Les anecdotes d'utilisation sont belles et magiques: comme le "flash" de spore.

Ce livre propose de multiples voies pour l'enfant: une histoire, des activités et aussi des planches scientifiques et herbiers pour aller plus loin.
Les illustrations de début dans la pâte de François PLACE sont une merveille en soi.
Les détails et les présentations après proposent comme des arrêts sur image de mondes sortis de la tête de Hayao MIYAZAKI: "Ponyo sur la falaise" pour le milieu marin, ou "Nausicaa de la Vallée" du vent pour les plantes, autant le premier est véridique sur la faune marine actuelle (et paléolithique), autant le second le transgresse en s'en inspirant. Dans ce livre, tout est vrai!

© Maria MAZZANTI, Giovanna BOSI et Ricardo MERLO / Le Pommier

Tout simplement le livre d'un défi, édifiant et merveilleux! Merci au Pommier et à Masse critique!
NB: dommage qu'il y ai quelques fautes de frappe dans les noms botaniques sur les planches.



mercredi 14 décembre 2011

Lancer un livre comme s'il s'agissait d'une vie

... et quelle vie, une vie de bohème, de fripon... une vie d'artiste, de fou.

*source affiche du livre et indication de la soirée

Lancer un livre en y mettant son cœur, en offrant de la musique, de la joie, des scénettes bien-sûr avec les comédiens de sa troupe qui a élu domicile dans son théâtre: le Théâtre d'Aleph.
"La nébuleuse vie de José Miranda" avec Oscar CASTRO et son ami Adel HAKIM.

La nébuleuse vie de José Miranda from Anai Castro on Vimeo.


Un lancement avec les effluves d'empanadas du Chili. Un lancement avec de l'amitié, de la chaleur humaine, beaucoup d'atmosphère dans ce lieu mythique qu'est le Musée des arts forains. Nous y avons été bien, choyées. Mr Oscar CASTRO offrant de lui indéniablement.

Par amitié, le fondateur du Musée, Jean-Paul FAVAND, nous a emmené pour une visite privée... une visite de ces salles immenses où même si vous y avez passé deux après-midi avec des loulous ici et ,

vous vous rendez compte que le charme opère toujours, que les mystères sont nombreux, que les objets vous interpellent et qu'il y en a d'autres que vous n'aviez pas encore vus. Et puis il y a des animations sonores qui vous emmènent encore ailleurs.

Nous avons même failli nous laisser entrainer dans la danse, sur cette musique... (mais vous aurez une idée n suivant Lily (plus bas).
"Le cabaret de la dernière chance" chanté par Yves MONTAND

Alors oui, le livre donne envie, envie de retrouver de cette fougue, de cette vie. "Après l'oubli, le souvenir" d'Oscar CASTRO présage du bon, du très bon, une certaine "oralité" parait-il. J'en reparlerais mais, en attendant, Lily nous y emmène par étapes avec beaucoup plus de talent.

Merci Lily, merci Anne V pour ce magnifique moment.

vendredi 9 décembre 2011

Salon du livre jeunesse Montreuil 2011

Juste avant le week-end, se remémorer celui qui vient de se passer.

Un dimanche en sortant du métro suivre la cohue... se dire que les marches pour entrer ce n'est pas l'idéal, se trouver heureuses de ne pas être sous la pluie.
Être agréablement surprise d'arriver juste à côté de l'Atelier du poisson soluble sans oser, bien-sûr leur dire le bien que je pense de leurs éditions.

S'arrêter pourtant aux éditions Le Pommier et malgré la lassitude de l'"hôtesse" s'arrêter, regarder, expliquer... se laisser aller à entamer une autre collection, celle de la philosophie, par un titre prometteur "Aimer" de Michel PUECH et illustré par Nathanaël MIKLES. Oser même une dédicace de ce dessinateur aussi intimidé que moi.
Continuer la collection des minipommes avec "A la chasse aux insectes" de Luc PASSERA et illustré par Edwige de LASSUS.

(oui oui il y a certains livres que j'ai déjà à la maison... mais)

Se mettre dans des files d'attente pour des écrivains que je ne connais pas, pour l'accompagner, elle, aux dédicaces.
Retrouver Mélanie RUTTEN, sa gentillesse, sa timidité... lui dire encore quel bien cela fait de suivre son histoire, attendre impatiemment son quatrième volet et racheter pour la peine le troisième, "Eliott et Nestor, l'heure du matin", déjà à la maison pourtant... juste pour le plaisir d'être en sa compagnie encore un peu.

Parler avec le monsieur des éditions Notari si accueillant, enthousiaste et généreux. Exprimer toute la joie de découvrir les albums italiens, en acheter un pour ce même enthousiasme, "La rue qui ne se traverse pas" de Henri MEUNIER et illustré par Régis LEJONC.
Lui parler de Joanna CONCEJO et en profiter pour rencontrer l'illustratrice dans le stand d'à côté aux éditions OQO. Racheter un album déjà adoré, illustré par elle, "La maison où tu n'arrives jamais" de Paloma SANCHEZ IBARZABAL, juste pour le prétexte de lui communiquer un peu de mon bonheur à la suivre d'une maison d'éditions à l'autre.

Se dire que les dos ont tenu, quoique... que manger un sandwich avec un mince filet d'air frais était tout de même bien... qu'il y avait beaucoup, beaucoup de monde... de quoi espérer encore pour ce secteur du livre. En être même ravies, ravie même de faire des doublons, ravie à l'idée d'offrir les autres.
Et rentrer épuisées. Et heureuse de cette journée passée avec elle, de cette amitié par les livres, à travers et bien au delà.

Rajout du 06/12/2012: un an plus trad, je vous parle enfin de "La rue qui en se traverse pas" ici et oui j'avais aussi parlé de "La maison où tu n'arrives jamais" .

mardi 6 décembre 2011

Lectrice au rayon jeunesse... et adulte

Je lis... tous les jours.

Je me demande souvent pourquoi de mes lectures, je n'arrive à parler que des livres dit "jeunesse" (ou presque).
Oui, oui, ce type de livres est en proportion plus importante dans mon temps disponible. Oui, oui, j'aime énormément le choix de nous offrir des mots et des images, des partis-pris colorés ou non, des sensibilités de lignes, de formes, de figuration ou d'abstraction qui me parlent aussi autant que le texte.
C'est aussi plus facile de billetter sur un album court, surtout qu'en nous avons la chance de le relire plusieurs fois grâce aux lectures du soir avec lutin associé (5 ans maintenant). Oui, préparer un billet sur un album demande moins d'une heure, souvent... quoique.

Oui lire un roman demande plus de temps, de disponibilité. Et en faire un billet est encore plus complexe. Soit la lecture a été juste plaisante, alors là pas besoin de billet. Soit elle a apporté quelque chose et là il faut bien le dire, je suis prise au dépourvu.
Parce que oui, il me faut le relire, il me faut me concentrer sur une plus longue durée pour essayer humblement de rendre ce que la lecture m'a apportée. Parce que si le livre m'a touchée, il me faut reprendre les sensations de lecture, offrir aussi un peu de moi à travers les lignes tout en vous donnant envie de le lire à la fin. Parce que c'est bien cela l’objectif!

Peut-être aussi, justement, parce qu'avec plus de mots, plus de pages, les auteurs atteignent plus nos émotions, nos non-dits, nos équivoques. Ceux-là même que nous n'avions pas encore mis en mots, et qu'ils secouent encore plus. Peut-être... Mais à bien y réfléchir certains livres jeunesse abordent déjà les failles. Entre les lignes, la fibre est là, le poil est hérissé, la respiration est en suspend: l'auteur a déjà mis les bases et nous offre de les poursuivre.

Alors oui je blogue sur des livres jeunesse...
Parce que je suis maman, parce que certains sujets sont exprimés avec un tel angle de vue qu'ils m'accompagnent dans mon éducation, cette ligne de corde de mon petit d'homme, ce soutien et une idée de direction, à suivre ou non.
Parce que même sans expertise, à mon niveau, j'ai envie de défendre des auteurs, des livres pour nos plus jeunes écouteurs/lecteurs que je crois être comme des boussoles pour se redresser, des boules de bowling pour déstabiliser, à raison, et des métronomes pour retrouver l'équilibre, la bonne oscillation.

...
Mais j'aimerais vous parler de mes lectures "adulte":
- "Parfum de glace" de Yoko OGAWA pour l'ambiance
- "Le jour des corneilles" de Jean-François BEAUCHEMIN. Une force terrible, une animalité, une étrangeté aussi, un drame magnifique
- "Les tétins de sainte Agathe" de Giuseppina TORREGROSSA pour ce livre féminin offrant avec sensualité, humour, croyance et pertinence des portraits de femmes, des transmissions féminines et un regard tendre mais abrupte des couples italiens.
- "Une langue venue d'ailleurs" de Akira MIZUBAYASHI pour cet amour de la translation de deux mondes, de deux langues, de deux regards.
- "Sukkwan Island" de David VANN pour la force du propos d'un père, de sa responsabilisation, de ces manquements
- "Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur" de Harper LEE, en cours mais qui présage du bon

pour ne parler que des derniers... pour ne parler que des romans
les relire... oui, écrire sur eux... peut-être.

L'Enfant du fantôme


"L'Enfant du fantôme" de Sonya HARTNETT est un magnifique roman pour adolescent mais les adultes y trouveront leur compte.

Matilda est une vieille femme qui vit seule avec son chien dans une petite maison. Aujourd'hui elle avait prévu de ne s'occuper que de son repas. Mais en rentrant chez elle un garçon s'est invité sans autorisation. "Elle ne put s'empêcher de sourire à l'idée qu'il était là, installé avec une telle désinvolture dans son salon. C'était bizarre et aussi, en un sens, flatteur, comme lorsqu'un chat de gouttière élit domicile chez vous." Il est impertinent, curieux et même si ce n'est pas là où il souhaiterait être, il reste à parler à la vieille dame.

Sous son regard gris et ses questions, Matilda fait revivre Maddy, celle qu'elle était jeune. Une enfant de bonne famille, un peu étrange et sauvage. Aimée de ses parents mais retenue dans une condition. Après l'internat et les études, ses parents lui proposèrent d'entrer dans la vie... se trouver un bon parti pour la mère, savoir reconnaitre ce qui est important pour le père. De ce père, puissant et craint, émane la question principale d'une vie: "- Qu'elle est la plus belle chose au monde?". Pour lui permettre de répondre par elle-même, il l'emmène deux ans faire le tour du monde, découvrir les paysages, les monuments, la faune, la flore, les minéraux, la science...

Indépendante, fine, cultivée mais toujours aussi sauvageonne, elle rentre chez elle, toujours aussi volontairement maître de sa vie. Et elle rencontre alors un jeune homme sur la plage. Il parle à un pélican, il ne semble rien posséder d'autre que ses vêtements, le plaisir d'être au plus près de la nature et la liberté. Plume.
Elle, heureuse seulement dans la nature australienne emplie de drôles d'animaux, d'insectes ou de faune légendaire, croise là une connivence. Elle l'aime.

Sonya HARTNETT offre là un très beau roman sur la féminité. Non au sens de mode et activités mais bien la vie d'une enfant, jeune fille, femme et vieille dame qui est restée elle-même, choisissant le meilleur, concédant le moins bon.
Plume est la liberté indomptable. La plus belle chose au monde de Maddy. L'amour avec ce qu'il y a dedans de prison, de sauvage, de concession. Comment donc concilier le sauvage, l'inadaptée et ce qui est attendu d'un couple? "- J'aime les planchers quand ils sont encore des arbres, dit-il. J'aime les rayons du soleil qui brillent sur l'eau plus que la cire d’encaustique." Vouloir le bonheur de l'autre ne suffit pas. La liberté a un prix. Il faut répondre à un appel, aller à l'aventure pour répondre à une question... et revenir.

L'atmosphère est particulière. Matilda offre à son jeune invité sa vie avec ce qu'elle a d'étrange et fait appel aux forces de la nature et des légendes. Loin de paraître saugrenue, cette invasion de la faune terrestre et maritime australienne et fantastique apporte ce qu'il y a de profondément mystérieux et fascinant dans la force de vie des indomptables, des libres et des sauvages... toujours à l'écart des autres, même s'ils s'adaptent et trouvent leur chemin.
L'intime prend toute son ampleur dans cette histoire racontée au garçon confident d'un soir. Il permet d'aller au fond des attentes d'une vie, de faire un bilan de ce qu'est la bonheur entrevu.

vendredi 2 décembre 2011

Lali l'orpheline

© Thierry LENAIN et Olivier BALEZ/ Oskar

"Lali l'orpheline, où l'on se demande si l'on peut faire du mal en croyant faire du bien" de Thierry LENAIN et illustré par Olivier BALEZ est un roman graphique court, pour tous, jeunes ou grands, un coup de cœur!

Marion est née ici, de ce côté du continent, et décide jeune adulte d'offrir 3 mois de sa vie à un orphelinat, là-bas, de l'autre côté, en Inde.
Le papa parle à sa fille dans ces quelques pages, reprend le malaise. Marion arrivait dans ce lieu de don de soi, personne ne lui parlait, par manque de temps, par scepticisme quand aux objectifs de le jeune occidentale peut-être aussi.

Là des orphelins et des infirmières démunis, un lieu qui contraste avec ce pays coloré et odorant:
"- [...] Tu sens, papa? Tu sens toutes ces odeurs, tous ces parfums? Ça fait tourner la tête... Tu sens, papa?
- Mais... Marion...
- Tous ces gens partout... Regarde, papa! Et toutes ces couleurs partout, regarde! ...
- Mais, Marion, tu es là-bas, de l'autre côté de la terre! ... Et je suis au téléphone!"
Et là Marion rencontre Lali, une enfant muette qui ne marche toujours pas malgré son âge. Marion se prend d'affection pour elle mais une infirmière se fâche.

© Thierry LENAIN et Olivier BALEZ/ Oskar

Tout l'art du livre réside dans les actes de cette jeune femme... des gestes beaux, tendres, généreux... affectueux, maternants. De ce parti-pris tendre, de ce que Marion reproduit des signes d'affection de son père quand elle était petite enfant. C'est tout cet amour filial qui transpire, cette affection devenue connivence... de cet aveu d'impuissance après.
Parce que oui on peut faire du mal en voulant faire du bien... ou presque. Mais là Marion doit prendre sur elle, offrir d'elle et de la pertinence, de la vérité.

Les illustrations en or, noir et blanc d'Olivier BALEZ offrent une modernité et comme une abstraction à l'histoire. Très beau parti-pris.

Magnifique histoire d'affection, de limite, mais aussi de ce qu'un geste peut apporter.

Gaëlle en parle là
Sophie Van der Linden
Œil d'ailleurs

Le bonheur prisonnier

© Jean-François CHABAS et David SALA/ Casterman

"Le bonheur prisonnier" de Jean-François CHABAS et illustré par David SALA est un album grand format magnifique. Comme pour le premier que j'avais lu du duo, "La colère de Banshee", ils revisitent un conte du monde en nous invitant en Chine cette fois-ci.

Le narrateur, Liao, revient sur son enfance... à l'aube de ses 7 ans. Dans sa maison où les générations se côtoient et où les ancêtres ont aussi leur place, le bonheur est vivant. Un petit insecte choyé et adoré, un grillon du foyer retenu dans une cage en or dans la cuisine, chante pour les habitants.
Oui mais un soir, il interpelle l'enfant de la maison pour lui demander de l'aide.

© Jean-François CHABAS et David SALA/ Casterman

La place des traditions et des croyances est décrite avec poésie. Le bonheur est déterminé et est aussi une affaire de famille. Le geste enfantin devient au cours du récit un geste raisonné, une prise de position à la fois sur un bonheur vécu au dépend d'un autre mais encore plus sur une responsabilisation et non une culpabilisation.

La relation entre l'arrière-grand-mère, Na, et ce petit garçon apporte la chaleur humaine, la transmission aussi de cette responsabilisation et de la croyance bouddhiste.
D'ailleurs le conte de fée n'est pas où on l'attend: l'incarnation en être humain n'est peut-être pas la plus réussie... hum une réflexion aussi bouddhiste, non!?

© Jean-François CHABAS et David SALA/ Casterman

Les illustrations sont toujours aussi colorées, pleines et lumineuses. A chaque fois, ce sont des formes décoratives assez art déco et végétales. Les fonds, les paysages et les habits prennent une dimension graphique entière. Elles apportent une atmosphère, chargée certes mais onirique. J'y retrouve encore du Klimt avec aussi cette présence des rides si superbes, par exemple de cette main, par rapport aux visages lisses des plus jeunes personnages...
La présence du chat bleu mais aussi le fond plus épuré de la salle du Bouddha sont d'autres portes ouvertes sur le livre.

L'avis de Libouli (et cette main)

mercredi 30 novembre 2011

L'Enfant- Phoque

© Nikolaus HEIDELBACH / Les Grandes Personnes

"L'Enfant-Phoque" de Nikolaus HEIDELBACH est l'interprétation d'une légende.
L'enfant adore nager sans jamais avoir appris. Il habite avec ses parents près de la mer. Son père est marin et part souvent pour la pêche, sa maman reste à la maison, occupée à la rendre propre et ne mettant jamais les pieds dans l'eau. Le garçon lui y court dès qu'il a fini d'aider à la maison et que son père revient de ses quelques jours en mer.
Mais à la maison, la mer est le sujet de conversation: la maman raconte toute la faune te la flore sous-marine... comme des histoires. Un phoque viendrait sur terre, retirerait sa peau pour devenir humain.

© Nikolaus HEIDELBACH / Les Grandes Personnes

Ce petit livre pour enfant apporte une fascination pour la mer. Nikolaus HEIDELBACH offrent des illustrations magnifiques et fantastiques de la faune marine. La légende prend alors des couleurs très sombres, la mer semble comme le noyau de gravitation... une attirance vitale.
L'histoire aussi propose une vision des concessions d'une vie, des besoins vitaux. Il n'y a pas à dire, entre les mots, l'auteur parle fort, vrai... et ces personnages singuliers ne laissent pas indifférents.

© Nikolaus HEIDELBACH / Les Grandes Personnes

Je découvre cet auteur/illustrateur par ce livre mais son univers m'avait déjà bien titillée présenté par Sylvie Van Der Linden.
Un superbe billet vous attend pour vous mettre encore plus dans cette ambiance.

vendredi 25 novembre 2011

Tout pourrit !

J'aime beaucoup cet album que je n'ai jamais eu en mains. "Tout pourrit !" de Hirotaka NAKANO raconte la décomposition de ce qui sent bon d'habitude: la nourriture à table.

De ce repas fabuleux, aux odeurs qui donnent envie de dévorer, les restes deviennent des détritus, des aliments pourris. La maman explique ainsi l'importance du retrait des déchets de manière régulière mais aussi le compost.
Le dialogue entre la mère et la fille amène à la décomposition organique dans le sol, l'explication du rôle de la microfaune et ce cycle des éléments nutritifs de la chaine alimentaire, des restes organiques, aux micro-organismes, aux plantes, aux animaux... et ce cycle qui perdure depuis des millions d'années.
C'est toute une histoire de recyclage, autant des détritus que des êtres vivants, le cycle de la vie expliquée ici aux plus petits.

Très très belle proposition où les illustrations montrent bien en coupe tout ce qui est dans la terre et se décompose pour donner la vie. L'album est disponible en noir et blanc en suivant ce lien.

jeudi 24 novembre 2011

Le monde de Marcelo


"Le monde de Marcelo" de Francisco X.STORK vient poursuivre mes lectures sur l'autisme. Le thème des failles, surtout lors de l'enfance, me tente toujours mais cette différence au monde m'interpelle encore plus.

Marcelo, adolescent autiste atteint du syndrome d'Asperger, passe sa scolarité dans une école spécialisée équestre Paterson qui regroupe des enfants à handicap autour de poneys. Marcelo est heureux, un petit poney est né il va pouvoir s'en occuper, le rendre adaptable au porté d'enfants différents. Cet été, il sera palefrenier pour l'école et il s'en fait toute une joie.
Mais en revenant d'un de ses rendez-vous à l’hôpital avec son neurologue, son père, Arturo, lui impose de passer l'été à travailler dans son cabinet d'avocats au service courrier. Il va devoir se confronter à la vraie vie.

Marcelo nous parle de cet été et de ce que cela bouleverse chez lui.
"- Mais cet été, tu dois te conformer aux règles du... monde réel. - Le monde réel... Je répète ces trois mots après Arturo, son expression préférée. - Oui, c'est ça, le monde réel. Si vague et large soit cette expression, je sens ce qu'elle signifie ainsi que les difficultés qui vont avec. Me conformer aux règles du monde réel, cela veut dire, par exemple, engager de petites conversations avec les autres. Cela veut dire éviter de parler de ma passion particulière. Cela veut dire regarder les gens dans les yeux et leur serrer la main. Cela veut dire faire des choses "au pied levé", comme on dit à Paterson: faire des choses qui n'étaient pas prévues au programme. Cela peut impliquer d'aller dans des endroits que je ne connais pas, des rues pleines de bruit et de désordre."

Cet été-là, il se confronte aux autres sans la protection d'un entourage préparé, d'une institution ou d'une adaptation. Au cabinet effectivement les collaborateurs ne prennent pas de gants avec lui. Jasmine, sa chef, semble pourtant lui préparer son organisation de manière respectueuse. Marcelo sort de sa "zone de confort" et expérimente les relations humaines.
Son père voulait absolument le sortir d'un chemin spécialisé, balisé pour son handicap. Il voulait lui permettre de relever le défi de la vie, peut-être aussi par déni des conséquences du syndrome asperger. Mais justement, le cabinet est un lieu de travail mais aussi un espace privilégié de stratégies, de complots, de petites omissions, de compétitions.

Marcelo travaille, avec minutie, presque lenteur, sans bien comprendre les aboutissants de ces relations humaines particulières. Cependant certains événements vont venir le chambouler, lui trop honnête et presque jusqu'ici naïf : les fausses amitiés, les chantages mais aussi les intérêts du client et tout ce qui peut intervenir dans les interrelations humaines viciées.

En découvrant une photo à charge dans un dossier, Marcelo découvre l'envers du décor d'un cabinet d'avocat. Touché par ce drame et cette fêlure, il va prendre position, enquêter, se mettre en danger et remettre en question ses propres acquis affectifs.

Très centré sur sa "passion particulière", la religion, les textes sacrés mais aussi les réflexions, les personnage, avant cet été, il se découvre plus incarné dans la vie des autres.
Son été va lui demander d'aller encore plus loin dans sa compréhension des choses. Le sexe apparait comme aussi prégnant par les suppositions des autres. Et même si la réflexion de son amie, le rabbin, l'aide à concevoir ce que les relations intimes ont de beau, de bien mais aussi de potentiellement mal dans l'abus fait à l'autre, Marcelo va expérimenter dans les yeux d'un autre le désir et dans sa chair les premiers émois... et la première amitié sans relation avec sa passion particulière.

C'est l'étape vers une autonomie d'adulte, vers des prises de position dans un monde avec heurts que nous présente l'auteur. Et oui, ce livre est fort, intense, respectueux et aussi très vivant.
Lily en a fait un magnifique billet là, merci encore pour la lecture (et relecture).

vendredi 18 novembre 2011

Dessiner le monde: Histoires de géographie

Reprise d'un ancien billet sur mon blog principal
Ce très beau livre « Dessiner le monde, Histoires de géographie » de Caroline et Martine LAFFON est une merveille.

La lecture ne se fait pas d’une traite, le livre est pourtant compartimenté. Il fourmille tellement d’indices, de références et d’illustrations, de niveaux de lectures à décrypter que le passage d’une page à une autre peut paraitre comme une précipitation. Mieux vaut encore prendre une double page (illustration et texte) par-ci par-là. J’ai mis un temps fou pour faire ce billet, presque embrouillée par les multiples lectures proposées. Le livre passe par la notion de géographie, avec l’histoire de la discipline, de ces principaux acteurs et leur stratégie et erreurs, pour certaines volontairement conservées sur les cartes. Mais aussi il nous offre une histoire de nos perceptions : de la cosmogonie, des mythes et légendes, à un positionnement terre entourée de mers, terre et mers entourées de ciel, terre plate ou globe. Il est aussi possible d’y lire les colonisations, les chemins pour acheminer les ressources d’autres pays (route de la soie par exemple), les batailles et toutes les cartes d’espionnage. La philosophie a une part importante dans notre conception du monde. Alors entre calculs, cadrillages, mais aussi stratégies politiques, religieuses, mises en valeur d’un patrimoine, le livre nous ouvre de multiples voies en suivant les siècles, les hommes, les explorations et les découvertes ou l’histoire des outils d’arpenteur, boussoles, compas maritime, sextants, roses des vents, lunettes astronomiques.
Les interrogations face au monde sont universelles, ce livre nous montre que les réponses sont, elles, multiples, raisonnées ou fantasmées.

Un point central, un nombril : De cette mise en évidence des lieux très hauts, des montagnes, comme lieu stable et résistant aux changements. La cartographie est le tout début d’une description cosmogonique, représente aussi la position occupée par les commanditaires ou l’organisation du religieux, du politique ou du familial. Le paysage peut aussi être un corps, toutes les cultures ont aménagé un centre, un nombril du monde selon les religions… par exemple la Kaaba à La Mecque pour les islamistes.
Les premières cartes de positionnement sont aussi des cartes dessinées et sacrées. L’oralité est encore de mise dans la description des chemins à prendre, les cartes plus individuelles suivent mais sont à usage immédiat, il faudra encore attendre pour l’arrivée des plans (avec une très belle précision sur la ville de Tokyo par exemple). Les cartes permettent de s’orienter mais aussi de raconter une histoire. Selon les cultures, certaines cartes dessinées ne servent pas à refaire le chemin (en Chine par exemple, la conception de la peinture suppose de mettre en avant, en relief, les obstacles, ou les chemins et les cours d’eau de manière peu distinguables, ou un aller et une autre couleur pour le retour sans précisions.

La cartographie est comme la mémoire de nos visions du monde et chaque détail, le choix de mise en valeur, les codes culturels, les couleurs, rappellent un élément, une stratégie, une histoire, une découverte. Des mots reprennent de leur sens : la terre inconnue était appelée Antichtone et ses habitants marchant les pieds en l’air, les Antipodes. Mais l’Arctique et l’Antarctique reprennent une autre saveur aussi ainsi que l’arpenteur (par exemple au Moyen Age ) ou le portrait (vue des villes au XVième siècle).

Par la terre, connue, et ensuite les terres approchables par la mer, les océans et les étendues d’eau et enfin le ciel. L’eau qui entourait principalement la terre connue devient aussi un élément important, les lacs, les cours d’eau. Les « grenouilles autour d’une mare », explorateurs de la mer méditerranée, ne sont plus les seuls à prendre en compte ces voies maritimes. Là aussi les codes culturels changent, la couleur de l’eau dépend de sa densité, sa clarté mais aussi peut dépendre d’une histoire qui a eu lieu à cet endroit (exemple massacre avec une eau rouge).

Ce livre est foisonnant et j’ai pris un immense plaisir à suivre cette ethnologie de la représentation géographique. Les erreurs dans les cartes d’Amérique car les Indiens aidant à leurs conceptions marquaient de la même manière les cours d’eau et les routes pour eux des voies de communication aussi praticables les unes que les autres. Mais aussi ces repères différents sur un chemin : des cornes de yack au Tibet pour marquer les points d’eau et les camps possibles, des mouvements d’eau sur les rochers en Polynésie. Ces traces de pieds pour montrer le sens unique sur les cartes d’Amérique latine.


manuscrit nahuatl
Ou ces différentes interprétations des mesures de notre environnement, du ciel par exemple : « Pour les Mongols, peuple de cavaliers, la Polaire c’est le clou d’or où sont attachés les chevaux dans le ciel. »

Les cartes, véritables invitations aux voyages, sont aussi de véritables preuves d’égoïsme, de volonté combattive… chacun veut être au centre, veut rivaliser, veut vaincre. Que ce soit en écoulant des anciennes cartes erronées mais élogieuse pour un peuple ou un géographe, astronome ; une carte fantasmée pour prouver les ressources de la terre inconnue et ce mythe de l’accueil à bras ouverts des populations autochtones ; en se représentant au centre, l’Empire du milieu, la Chine, et ses premières découvertes révélatrices ; ces villes repérées, répertoriées voire classées avec des codes culturels différents mais souvent une vision plate, neutre (sans indice ethnique ou social ou de fluidité de circulation) ; ces synthèses des activités humaines (champs par exemple) pour le compte des plus grands ; ces cartes de type judiciaire peintes pour preuve lors d’un éventuel procès pour héritage. « Il faut savoir regarder quelle fiction se joue derrière les cartes. » C’est toute une philosophie de vie qui se découvre aussi en les regardant une par une.

Merci encore à Babélio et à son opération Masse critique, ainsi qu’aux éditions SEUIL pour ce superbe ouvrage qui me demandera de multiples lectures pour découvrir toutes ces merveilles. Une autre page est ouverte .
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jeudi 10 novembre 2011

Apolline en mer

© Chris RIDDELL / Milan Jeunesse

"Apolline en mer" de Chris RIDDELL n'est pas le premier de la série des enquêtes d'Apolline et de son ami Monsieur Munroe mais cela n'a que peu d'importance.

C'est un vrai plaisir de suivre ces petites histoires qui allient des bulles de bande dessinée, des zones de texte et aussi de nombreux focus comme un carnet de bord. Nous partons à l'aventure avec une petite fille très originale. Elle est espiègle, malicieuse, truculente dans ses costumes et joue, enquête, lit avec son compagnon Mr Munroe rencontré dans un marais humide par les parents et ramené chez eux.

© Chris RIDDELL / Milan Jeunesse

Ce matin, Mr Munroe met les lunettes vertes et toute la journée voit des choses étranges. Apolline et lui sont en vacances et doivent choisir une destination de séjour. Mr Munroe tente de communiquer avec son amie, sans succès. Elle est bien trop occupée à chercher l'endroit idéal, chaud et sec. Mais Mr Munroe s'est enfui en Norvège, Apolline part à sa recherche...

Le voyage est une suite de personnages, de moyens de transports (par mer, sous-marine, par air ou plus hallucinants) et de métiers. Apolline est friande de petits bonheurs, "collectionneuse itinérante", comme une sorte de petite Amélie Poulain: écouter aux tuyauteries, chausser des chaussures orphelines (en conservant la moitié de la paire ailleurs) mais aussi prendre des photos des créatures et des hommes.


© Chris RIDDELL / Milan Jeunesse

L'histoire fait la part belle aux rencontres, humaines et animales, burlesques et presque folkloriques. Les illustrations en noir et blanc, et vert, apportent une visibilité incroyable et l'histoire se lit autant par le texte que par les "schémas" d'Apolline ou les logements et moyens de transports en coupe.
La convivialité est au centre du récit. Apolline et Mr Munroe aident aussi à sortir des à priori fantastiques, sur les sirènes comme sur le Très Grand Troll.

C'est grâce à Clarabel que j'entre dans cette série jeunesse avec enchantement: allez donc lire ces billets très enthousiasmants.

mercredi 12 octobre 2011

Mourir partir revenir, le jeu des hirondelles

© Zeina ABIRACHED/ Cambourakis

"Mourir partir revenir, le jeu des hirondelles" de Zeina ABIRACHED est une bande dessinée biographie. Une bande -dessinée reportage comme je les aime.
Elle retrace une nuit dans la ville de Beyrouth en 1984, en pleine guerre civile. Zeina, enfant avec son petit frère, attend le retour de ses parents partis rendre visite à la grand-mère à deux pâtés de maisons.
Dans cet espace clos, l'appartement, et sous les bombardements, vont se succéder les voisins et les différents chemins pour faire avec la guerre.

Une grande part est offerte à l'espace. Le quartier est un plan, un parcours à faire pour rentrer sans encombre, une géométrie du risque, une chorégraphie de survie. Ce sont des détails de guerre, de l'espace réduit, de l'espace découpé, du blanc. C'est aussi des commerces, des maisons, des secteurs et des communautés, chrétiennes, musulmanes et juives. L'appartement est plus qu'un espace de vie. Il est culturel et il devient surtout sécuritaire... un espace dans l'espace... l'entrée et la tapisserie au mur comme lien et constance familiale.

"Très vite, l'entrée n'a plus ressemblé à une entrée."
© Zeina ABIRACHED/ Cambourakis

La guerre est présente partout. Dans cette obligation de huis clos, dans les communications (le téléphone est son "khatt" (tonalité) à attendre, la radio), dans les questions rester ou partir, dans le ravitaillement, le choix des cadeaux (alcool et légumes déjà lavés), dans ce discours sur la ville (comme une nostalgie de l'autre partie), dans les jeux de distinctions auditives des bombes, dans le tic tac de l'attente d'un être cher parti sous les bombes. Ce lustre aussi, épée de Damoclès et aussi témoin sonore.
Mais c'est surtout de vie qu'est remplie l'entrée. De ces voisins bien vivants aux prises avec la guerre mais aussi leurs envies, leurs souvenirs, leurs liens d'amitié. Ce sont des portraits tendres. Anhala la femme aux services d'une famille jusqu'à connaître 4 générations (en attendant la 5ième). Chucri travailleur et bénévol aux services de l'immeuble. Ernest le coquet ancien professeur de français survivant de son frère jumeau. Mr KHALED et sa femme, anciens restaurateurs ayant fui leur quartier. Farah et Ramzi, jeunes actifs restés sur la touche par la guerre, vivant sans un bureau.
Et puis il y a les enfants, la narratrice et son frère: ils jouent, entre impatience, angoisse et presque insouciance dans cette entrée où ils sont "quand même, peut-être, plus ou moins, en sécurité [là]".

© Zeina ABIRACHED/ Cambourakis

Quel superbe moment que cette préparation du sfouf avec Anhala, que cette absence quand il faut l'enfourner... dans la cuisine. De quoi me donner envie de refaire un sfouf, une envie partagée d'ailleurs aussi par d'autres.
Quel autre magnifique preuve de vie que ce mariage, festin même en temps de guerre, préparé comme si de rien n'était, vécu en courant, en riant, en chantant... avec joie et inconscience.

© Zeina ABIRACHED/ Cambourakis

Les graphismes en noir et blanc rappellent ceux de Marjane SATRAPI. Mais ici les personnages restent de face. Un seul profil est là comme une parenthèse lyrique et culturelle, un nez, celui de Cyrano de Bergerac.
Les formes géométriques, la stylisation des détails, le rendu des hommes en aplats de formes et les fonds noirs rendent l'atmosphère pesante: les hommes sont presque des ornementations, tout est lenteur, attente.

Quelle belle transmission de vie, de mémoire.


samedi 8 octobre 2011

Neandertal (et des poussières)

© Yann FASTIER et MORVANDIAU/ L'atelier du poisson soluble

Je n'en avais pas parlé après la lecture. Quelle erreur! Parce qu'il faut bien l'avouer "Neandertal (et des poussières) " de Yann FASTIER et illustré par Morvandiau est une petite bombe d'humour. Pour tout dire il m'a valu des fous rires dans le métro (et ce n'est pas si courant que cela, et pour moi, et pour les autres).
Yob dévoile des moments de sa vie préhistorique autour d'une vingtaine d'histoires. Mais ne vous y fiez pas, même si certains détails peuvent rappeler ces temps anciens, le propos est très moderne.
Alors oui Yob parle de leurs moyens de survivances (chasse, pêche et ce feu que les Cro-magnons maîtrisent, eux les arrogants), des relations dans la communauté, avec les femmes, avec les autres communautés. Les situations quotidiennes sont revues et corrigées, des apéro, de l'écossage de chenilles, des gazelles qui taquinent les chasseurs, des fossiles gelés.
L'humour vient de l'anachronisme des réflexions, des valeurs. Les références culturelles sont à toutes les pages, cinématographiques, d'atmosphère d'enfants des années 80 (le kiki de tous les kiki, Cheeta accompagnant Tarzan, Rahan). Mais aussi par les références à l'évolution (pousse opposable, position debout, venir du singe ou de la mer), aux connaissances anthropologiques, historiques (dinosaures) et aux inventions.
Les histoires débattent de racisme, de naissance de l'univers ou de Création avec Adam et Eve (Nadam' et Ef), de sagesse, d'art "contemporain" et rupestre, de moralité, de gustatif.

© Yann FASTIER et MORVANDIAU/ L'atelier du poisson soluble

L'évolution arrive aussi pour le langage, de nouveaux mots aux notions complexes que l'on trouve en allant faire pipi au fond de la grotte, là où il fait noir et où il y a un bruit d'eau. Le style de Yann FASTIER apporte aussi ces métaphores très parlantes dans le contexte. Il joue avec les images, avec les mots, avec nos propres réflexions contemporaines et c'est jubilatoire.

© Yann FASTIER et MORVANDIAU/ L'atelier du poisson soluble

Les illustrations de Morvandiau apportent comme un esprit caricature qui soutient aussi l'humour du texte.

Et au final, il fait parti de ces livres que j'aime lire à voix haute à une tiers personne, adulte qui plus est. A relire aussi après avoir relu "Pourquoi j'ai mangé mon père" de Roy LEWIS.

Merci à L'atelier du poisson soluble!

mardi 4 octobre 2011

Le faire ou mourir

"Le faire ou mourir" de Claire-Lise MARGUIER est un court roman choc. Dam DeCaro est un adolescent de presque 16 ans aux prises avec la difficulté de vivre cet âge des possibles, ou plutôt des impossibles futurs.

Jeune au corps de "frite molle", il est solitaire. Seul parce qu'effacé, seul parce qu'aussi trop intelligent. A travers ses confidences offertes à une oreille attentive (le lecteur est tutoyé) nous avons accès à sa souffrance. " Il y a le ciel au dessus de moi, mais je ne le vois pas. Moi j'ai toujours vu que ce qui est sombre, ce qui est noir et effrayant, les monstres sous le lit, les fantômes dans le placard, la mort à l'angle de la rue."
Oui les thèmes sont violents et ardents: l'homosexualité, la scarification, le piercing, la violence extrême. Mais il n'y a pas là d'accumulation sordide mais bien une finesse des propos.
Dam (Damien) est un adolescent mal aimé à la recherche d'attention. Les autres ne semblent pas les plus méchants, même si les signes de coup sont visibles. C'est bien dans le cercle familial que le pire peut exister.
La famille se replie dans un autoritarisme et un étiquetage de l'adolescent sans prendre la peine de communiquer. Ils se fient aux indices vestimentaires, scolaires et conventionnels. Tout serait une affaire de crise d'adolescence, cela lui passera. Mais ils passent à côté de lui.

Le jeune homme comprend tout toujours plus vite que les autres: "Tu finis par te retrouver loin devant, et loin devant c'est pareil,que loin derrière, t'es tout seul, avec la différence que loin devant, les gens sont jaloux et curieux à la fois. Et cruels." Il cogite et bouillonne de sentiments non exprimés. Ses actes sont signe de négligence affective.
Le malaise pousse aux questionnements et aux passages à l'acte. Et les solutions paraissent fermées pour un adolescent, pas encore adulte, pas encore libre d'être juste lui-même. La révolte, l'agressivité, le repli sur soi, le choix d'appartenir à un groupe différent, le suicide ou la résignation. Dam choisit la passivité à l'extérieure et la furie maîtrisée seul, la scarification, comme marque sur soi, contrôle de sa douleur. Contrôle aussi des pressions internes: avec le sang s'écoule les tensions avant explosion.
L'homosexualité est au cœur du propos aussi. L'acte mais surtout ce qu'il implique: cet amour d'un être avant d'être celui d'un sexe. C'est aussi le regard d'autrui: l'homosexualité comme une sensibilité particulière, provoquant presque un respect de la différence, des attentions et des précautions pour des personnes extérieures et habituées aux enfants (enseignants et médecins) et une peur, une intolérance et une colère dans le cercle familial.
L'absence de communication inter-générationnelle couplée à cette découverte d'un autre rapport aux autres, à soi et à ses sentiments, de ce rapport de soutien et de prise de position de la mère de son ami, amène Dam dans ses retranchements. Laisser libre la parole et les sentiments ou se canaliser et pleurer. "Des fois j'étais mal à en crever, sans raison, mais j'avais pas envie que ça s'arrête, comment t'expliques ça? Si ça s'arrêtait, c'était le vide, et le vide ça me foutait la trouille pire que tout. J'attendais de cumuler pour que je finisse par pleurer (en cachette, j'avais compris) et que ça me soulage un peu. C'était comme si pleurer ça me consolait."
Il est à bout, peu de personne l'écoute. "Je ne me sens pas capable d'assumer la vie."

L'histoire a deux fins, cela pourrait déstabiliser mais l'idée est belle. Loin de proposer un happy end et une fin brutale c'est surtout le moment où tout diffère qui est intéressant: comme quoi le pire effectué, ce n'est peut-être justement pas le pire.

Un très bel entretien avec l'auteure chez In Cold Blog et son superbe avis documenté



samedi 1 octobre 2011

L'enfant & le temps


"L'enfant et le temps" de Bernadette GUERITTE-HESS est une bible pour ceux qui s'intéressent aux notions spatiotemporelles dans les apprentissages et le développement intellectuel et logico-mathématique des enfants.

Ce livre très complet fait le tour de la notion de temps, d'une part ce que nous entendons par les mots, d'autres part la logique à laquelle ils font appel. Et le sujet est d'importance. Il y a bien-sûr les pathologies liées aux relations au temps comme la dyschronie, les difficultés d'apprentissages des mesures du temps. Mais la temporalité entre bien plus dans nos vies que ce que nous pourrions croire. La notion abstraite doit devenir objective pour permettre de s'ancrer. Ainsi l’existence, l'histoire, le passé-présent-futur, la durée, les événements ou le mouvement dans le temps, l'âge et la généalogie doivent se matérialiser. D'autres part, les mesures ne sont pas évidentes et font appel à des mobilités d'esprit particulières et des équivalences numériques à maîtriser (seconde, heure, journée, date, semaine, mois, année, siècle, saison).

La partie "petite chronique" remet en contexte cet apprentissage de la logique temporelle, par le développement de l'enfant jusqu'à l'âge adulte et sa confrontation au temps offrant ainsi un aiguillage sur les exercices pratiques à mettre en œuvre à tel âge pour développer autant sa maîtrise des mesures du temps que l’anticipation, la rétroaction, le raisonnement etc...

Les autres parties, elles, proposent de très nombreuses activités permettant de reconstituer les notions, puis les opérations mathématiques, au sens de vivre des situations en temps réel pour créer des représentations graphiques et mobiles rendant ainsi les outils visibles. Et le choix est vaste, délimité, évolutif et se base sur 50 ans de carrière d'orthophoniste et de psychomotricienne.
Les exercices impliquant souvent beaucoup de matériel mais très facile d'accès (pensez donc aux 60 allumettes représentant les secondes, dans leur boite d’allumette représentant la minute, les 59 autres boites remplies pour faire l'heure etc...). Les "modes d'emploi" sont extrêmement précis et ramènent chacun à une difficulté particulière.

Le temps, immatériel, est ainsi disséqué dans son instant t, sa mesure, la durée, le mouvement, les opérations sur lui, le langage autour et le vécu.
Trois aspects de la mesure des durées sont mis en évidence: l'apprentissage des conventions, l' entrainement aux opérations mentales et l'organisation de structures logiques autour de l'équivalence numérique.
La pensée logico-mathématique et le langage sont alors mis en rapport, de l'un sans l'autre avec les les rééducations vécues avec des enfants sourds et malentendants, mais aussi dans leur rapport de causalité. Tout le langage concerné autant en mots, qu'en donnés, en vecteurs de temps, en précision temporelles (événements ou durées, simultanéité ou successions, temps emboités ou durées se chevauchant, lé début ou la fin) est explicité.

Les mises en motricité des notions abstraites apportent vraiment une appropriation matérielle de ces abstractions. Et sachant que le quotidien est plein de structures logicaux-mathématiques et que des lacunes temporelles affectent la vie de tous les jours, l'insertion dans une société construite autour des conventions temporelles mais aussi les énoncés de problèmes mathématiques, ce livre est vraiment une très belle proposition pour tous les éducateurs, professeurs et parents d'enfants entre l'école maternelle et le collège.
A ouvrir, décortiquer et mettre en pratique de suite!