lundi 28 mars 2011

Pourquoi j'ai tué Pierre

© Olivier KA et Alfred/ Delcourt

"Pourquoi j'ai tué Pierre" d'Olivier KA et illustré par Alfred est une lecture de santé publique.
Olivier est un garçon de 7 ans et à chaque étape de sa vie, il revient sur un contexte, une sensibilité, une éducation, une forme de vie qui nous explique pourquoi il a tué Pierre. Cette bande-dessinée est à lire absolument même par des lecteurs pré-adolescents, accompagnés de leurs parents. Le crime n'est pas celui que l'on croit, ou presque.
Olivier est élevé par ses parents et, pendant les vacances, va chez ses grands-parents. Il nous conte ses vacances, entre baba-cool attitude des premiers, religiosité des seconds et colonies. Il nous parle de l'avant, du pendant et de l'après... parce qu'il est question d'attouchement, de pédophilie.
Ce geste, cette infamie, cet acte émis par une personne de confiance. Pierre est un prête, homme de foi sorti du carcan, très proche des autres qu'ils soient ou non de la même confession. Forme d'autorité, il est aussi un homme modèle: bon vivant, à l'écoute, altruiste. Et puis il est entré dans la famille, en tant qu'ami, soutien d'éducation, responsable des vacances.

© Olivier KA et Alfred/ Delcourt

C'est de tout ce qui fait une proximité, une sensualité, une éducation sexuelle dont il est question dans ce livre. Olivier découvre la pudeur en même tant que la nudité comme forme de présence au monde. Il découvre les premiers émois mais aussi les gestes, les attitudes entre adultes et enfants.
La religion a aussi une place ici. Comme ordre établi, comme garant d'une moralité. Elle constitue une forme de contre-pied moral à une utopie "politique" de "peace and love". C'est ainsi une bonne part des approches de la sexualité aux enfants qui se retrace là.

© Olivier KA et Alfred/ Delcourt

Et puis il y a l'acte, pas explicité, pas accepté (et pas acceptable). Et c'est aussi la culpabilité de la victime qui choque, qui interpelle... un malaise qui se lit à tous les âges, le poids des traditions, des éducations, de l'affectif, cette non-trahison des sentiments.
L'histoire, réelle, a une fin. Elle seule mérite de relire le livre, de revenir découvrir les détails de cet attachement et de cet "acte de mort" particulier.

Un billet qui vous éclaira là, un autre superbe ici.

dimanche 27 mars 2011

L'enfant de la neige

© François DAVID et Marc SOLAL/ Motus

"L'enfant de la neige" de François DAVID et mis en forme par Marc SOLAL est un début de conte... une minuscule particule de flocon, départ de toute une histoire.
Un enfant au visage et à la peau blancs comme neige. Un enfant vivant au nord, là où la neige est univers. Les autres enfants ne le supportent pas: ils ne le voient pas, ne comprennent pas ses émotions et s'imaginent cette différence, presque un camouflage, comme un flagrant délit de mauvaise nature.

© François DAVID et Marc SOLAL/ Motus

C'est un livre objet: les illustrations ne sont que des détails de gaufrage, blanc sur blanc. Un petit début demandant relecture, une ébauche qui si l'on revient montre l'enfant présent dans l'ensemble du groupe, sur une terre. Une mise en avant de lui, de cet enfant pas comme les autres, puis son isolement... des autres hommes et de la terre même.

Il s'agit là du regard vers la différence, de l'autre comme le méchant de base, de ces autres: les anti-héros, ceux en marge, ceux camouflés aussi. Très belle approche qui laisse en suspend de bien belles réflexions.

© François DAVID et Marc SOLAL/ Motus

Un très beau billet ici.

lundi 7 mars 2011

Les sales histoires de Félicien Moutarde 1. La naissance de Félicien Moutarde

© Fabrice MELQUIOT et Ronan BADEL/ L'élan vert

"Les sales histoires de Félicien Moutarde" de Fabrice MELQUIOT et illustré par Ronan BADEL est vraiment une série dont nous allons raffoler, petits et grands. Sorte de bande-dessinée à la première personne, nous suivons dans ce tome 1 les premières aventures de Félicien, dont sa naissance, son premier "crime", son premier amour et ses supers pouvoirs inexistants.
Tout est dit dès la première page, un bébé moche, avec tous les défauts de la terre, aucun superpouvoir et un esprit critique, voire cynique, décapant. Félicien nous montre tous les travers des premières années de parentalité et de vie.
Il prend la main sur sa naissance et souhaite être un méchant... de toutes façons il a plein de défauts, des points faibles qu'il souhaite utiliser. Un petit râleur, un mioche affreux jojo, qui sous ses paroles, montre une manière d'être enfant, petit être fragile dans un monde de dangers et d'attentes parentales.

Félicien prend le contre-pied de nos idées éducatives, de nos conceptions du développement de l'enfant. Son regard incisif n'est pas tendre, il dénote par rapport à toutes les merveilles que l'on associe volontiers aux petits enfants. Il commet ses premiers "crimes" d'enfance, s'effraie et se venge contre les engeances de contes créées pour faire peur aux petits en les prenant pour des idiots. C'est aussi un livre sur la solitude des enfants et sur les dangers relationnels.

© Fabrice MELQUIOT et Ronan BADEL/ L'élan vert

Ce roman graphique fait du bien aux grands qui ne se délectent plus de cette surabondance de mièvrerie autour de l'enfance. Ce Félicien est jouissif dans les métaphores associées à sa réalité et toutes les malveillances qu'il stimule. Et il plaira aux petits pour ce regard malicieux sur les parents, l'amour et les super-héros.
Les illustrations, en noir et blanc ou lie de vin, apportent de la fantaisie au discours. Elles proposent un univers de l'enfance sous le signe de la dramatisation avec de superbes images théâtralisées.

© Fabrice MELQUIOT et Ronan BADEL/ L'élan vert

Le tome 2 arrive bientôt, on a hâte! Ce seront les aventures de Félicien Moutarde à partir de ses 2 ans.

samedi 5 mars 2011

Tous ses petits canards

© Christian DUDA et Julia FRIESE/ Être

"Tous ses petits canards" de Christian DUDA et Julia FRIESE est un énorme coup de cœur. Courrez le chercher, la maison d'édition a fermé depuis décembre 2010: vous ne regretterez pas si vous chercher finesse, jeu de mots, humour et dessin presque filmique. Bon allez je vous en parle plus en détails.

Konrad, renard de la forêt, a faim et voit une superbe cane qui ferait bien son déjeuner. Il se précipite, elle s'envole et laisse derrière elle un œuf parce que oui "les œufs n'ayant pas de poignées, elle avait dû abandonner le sien." Cela devait être simple, le renard mangeait la cane et nous changions d'histoire... ou encore le renard se préparait une bonne omelette et puis fin. Mais voilà justement il n'y aura pas de fin à la faim du renard.
Konrad a les yeux plus gros que le ventre... un œuf c'est peu, un petit canard c'est mieux. Mais qu'est-ce qui prend le caneton, à l'éclosion, de l'appeler maman... non, non, non, c'est un repas! Et qu'est-ce qui a pris le renard a lui dire que non, lui c'est papa. Et puis Konrad lui donne un nom et Lorenz, parce qu'il s'appelle Lorenz, va...
Et puis un petit canard c'est pire comme repas : "j'aurais encore faim avec, en bouche, un avant-goût de canard."

© Christian DUDA et Julia FRIESE/ Être

L'album a un texte dense où l'humour n'est jamais loin, il apparaît par exemple dans tous les bruits d'estomac du renard, dans tous les quiproquo. Les illustrations de Julia FRIESE faites de découpages, de crayonnés, de peinturlures, apporte aussi une dimension très poétique et dynamique. Les animaux sont crayonnés dans tous leurs mouvements, dans l'action, comme une sorte de "flip book" sur une seule feuille : le renard a souvent plus de deux oreilles, le canard se démultiplie sur la page pour mimer l'action... l'agitation, l'attention du premier et le papillonnage du second sont alors palpables. Et puis il y a comme un album de photos, nous montrant ce qu'il n'est pas dit.

© Christian DUDA et Julia FRIESE/ Être

Comme vous le comprendrez à l'"usage", ce livre a plusieurs lectures. L'amour filial, la parentalité, la leçon de choses ne sont pas les seules.