jeudi 31 mai 2012

Les carnets d'Ulysse

"Les carnets d'Ulysse" de Stéphane FRATTINI et illustré par Quentin DUCKIT est un très bel objet, un carnet qui se ferme avec des lanières. Il contient les pensées du héros Ulysse pour sa famille, Pénélope, sa femme, et Télémaque, son fils. Une très belle proposition pour les amoureux de la mythologie ou pour y arriver... de l'intérieur.

 © Stéphane FRATTINI et Quentin DUCKIT/ Milan jeunesse

Après la Guerre de Troie, Ulysse tente de retourner à Ithaque. Il commence alors à écrire un carnet de bord qu'il souhaite faire parvenir à sa femme. Il reprend en quelques mots tous les défis qu'il doit surmonter pour rentrer chez lui.
Ce sont alors les différentes étapes de son odyssée qui sont présentées ici mais aussi un état d'esprit. Le rusé Ulysse devient aussi un homme tendre, ému, fidèle en amitié, très sensible au charme féminin et aussi un brin nostalgique.

Les compagnons d'aventure ont ici une place de choix: Achille, sa combativité et son talon, son bucher et son temple d'honneur, mais aussi Euryloque ou Eumée.
Ulysse rapporte les faits mais y met de l'émotion, de la tristesse et de la colère et une certaine concupiscence aussi parfois. Les détails du quotidien apparaissent avec les repas, les combats et leurs épargnés, les relations aux peuples et pas seulement aux personnages principaux.
Alors oui, nous retrouverons Charybde et Scylla, les sirènes, la magicienne Circée, Nausicaa, Calypso et ses faveurs, Polyphème le cyclope mais aussi les Lestrygons, les Phéaciens et tous les défis. Nous retrouverons aussi une trame des destins, des conséquences aux premiers actes.

 © Stéphane FRATTINI et Quentin DUCKIT/ Milan jeunesse

Ce livre fourmille de détails et offre ici la voix d'Ulysse. L'aventure est incarnée, masculine et sensuelle, mais aussi marquée par les rencontres humaines et le temps. Le temps reprend en effet ses droits, les années passées à côté de Circé ou de Calypso sont ressenties, délicieuses, insouciantes, amnésiques.

Le format est superbe, la couverture cartonnée s'ouvre sur des pages solides et dentelées comme un papier déchiré par l'homme et non une machine. L'écrit est comme manuscrit, souligné, raturé, en biais et propose ainsi vraiment comme une proximité, une familiarité avec Ulysse. Les dessins de Quentin DUCKIT sont "pris sur le vif par le héros lui-même" ou un intervenant profitant de son inattention ou son sommeil pour le croquer rapidement (et sans son consentement).

 © Stéphane FRATTINI et Quentin DUCKIT/ Milan jeunesse

Ils ponctuent le texte et offrent des détails de proximité, les hommes sont pris dans les affres de la nature et des dieux mais rien n'est épargné, ni la nudité d'Ulysse, ni la volupté des femmes divines ou non, ni le saccage des combats. La part belle est aussi faite aux personnages et pas seulement créatures.

Quelqu'un

*source photo vitrail Sagrada Familia en Espagne

"Mais plus encore, c'était le matin qui était beau, au réveil, quand les premiers rayons du soleil traversaient les carreaux de verre. Quand Quelqu'un avait de la chance, il y avait des arbres derrière les vitraux, et le vent soufflait. Alors la lumière et l'ombre alternaient à l'intérieur de l'église. Et si la lumière du soleil traversait les carreaux de verre rouge, elle s'empourprait. Elle sautait sur les bancs, la table de l'autel, les tableaux, les statues. A certains instants tout était tacheté de pourpre, à d'autres il n'y avait plus que quelques points rouges, et soudain toute l'église s'enflammait."

"Quelqu'un" de Chrsitine NÖSTLINGER (dont je parle là).

Les cygnes sauvages

Les illustrations m'avaient attirées (bien-sûr) mais la police utilisée pour le texte, elle, éloignée. Alors il m'a fallu du temps pour entrer dans la lecture... en fait, il m'a fallu relire ce conte d'ANDERSEN dans un autre format: un recueil de poche.

© Hans Christian ANDERSEN et Joanna CONCEJO/ Notari

Ce serait pourtant dommage de ne pas fondre à cette lecture, "Les cygnes sauvages" de Hans Christian ANDERSEN et illustré par Joanna CONCEJO. D'une part, parce que c'est un classique et qu'à travers cette contextualisation d'un autre temps il est aussi question de la moralité à travers les contes. D'autre part, car le texte n'est pas expurgé offrant ainsi une superbe mise en scène.

Elisa est princesse. Son père, veuf, reprend femme et cette belle-mère veut éloigner les enfants de son nouvel époux. La fille ira dans une maison de fermiers dans la forêt et les fils, les 11, deviendront par malédiction des cygnes sauvages obligés à s'exiler pour vivre.
La princesse a vécu seule dans la forêt, avec juste la nature pour s'émouvoir et se divertir. Elle ne continue à vivre que dans le souvenir de ses frères, de leurs moments de joie et de partage. Mais Elisa a grandit et, à ses 15 ans, veut revoir son père. Mais la marâtre, envieuse de cette enfant transformée en beauté, reprend ces sortilèges: 3 crapauds aux sortilèges l'enlaidissant, l'abêtissant et la rendant méchante. Mais Elisa transforme les sortilèges par sa dévotion pieuse et sa grande bonté.

Les retrouvailles avec le père ne se feront pas, elle s'enfuit... méconnaissable et se retrouve seule en pleine forêt, à la recherche de ses frères, qu'elle imagine à cheval. Ils se retrouveront la nuit... Mais les frères ne peuvent pas se libérer de leur condition, Elisa va s'affairer avec religion, altruisme et sacrifice.


© Hans Christian ANDERSEN et Joanna CONCEJO/ Notari

Le conte d'ANDERSEN est beau même si les personnages sont stéréotypés et que l’héroïne ne me parle pas. Il est question d'une moralité qui a vieilli. Il me semble froid et même la chaleur de la fratrie, encore moins l'amour superficiel du "prince charmant", ne me touchent pas.
Et pourtant, et oui, pourtant, ce livre est magnifique. Parce que Joanna CONCEJO offre là les images de la solitude, de la détresse et de l'isolement. Le texte n'est plus pour moi qu'une illustration de ce qu'elle nous offre. Une héroïne qui s'oublie, se perd dans le paysage. Les orties, les plumes de cygnes, les détails de la nature offre une trame de réflexions, de cette rêverie de l'enfant aux affres de la responsabilité adulte, seule encore mais différemment.

© Hans Christian ANDERSEN et Joanna CONCEJO/ Notari


La traduction, de l'album aux éditions Notari, est de David SOLDI, celle des édictions Le Livre de poche, "Contes", est de Marc AUCHET.
Et cela a son importance.

Grains de beautés et autres minuties d'un collectionneur de mouches

"Grains de beautés et autres minuties d'un collectionneur de mouches" de Frédéric CLEMENT est un petit roman de sensualité picturale, sonore, imaginaire et physique.


Mr Zérène du groseillier est demandé auprès de la Marquise Adélaïde des Ailleurs, nouvellement veuve, pour proposer ses talents de portraitiste auprès de la dame et de ses enfants.
"Sur le chemin qui longe la Ciselée, Mademoiselle Louise-Amélie, votre demoiselle, et Charles-Henri, votre petit Monsieur, d'une brindille taquinaient un scarabée, un grand cerf-volant mâle. La scène était jolie, avec les reflets  de la rivière, je n'ai pas pu résister à sortir mes couleurs, et faire cette pochade... à même le dos du cerf-volant... (...)"

De ce pavillon chinois au milieu de la propriété démarre une parenthèse sensitive, enchantée, entre commandes et défi: une mise à l'épreuve du désir.
Piqué au vif et succombant aux charmes de la Marquise pas si farouche, le peintre part en Chine promettant de remplir la petite boite de "grains de beautés" offerte comme contenant des preuves par la désirée.  " De la pointe de son ongle Marquise prend la mouche posée sur sa gorge, à l'orée de la vallée d'Organdi, et glisse la Majestueuse dans la boite bleu, en porte-bonheur, "en talisman de taffetas", chuchote-t-elle. (...)
Votre papillon moucheté s'est recroquevillé en son état de chrysalide. Laide. Feuille sèche. Souche."

Les mouches du désir se succèdent: d'une discrète, encore insoumise, à une effrontée, discrète, voluptueuse, soupirante... Le peintre, au teint vert de gris pendant tout son voyage en bateau, suit un capitaine dans sa tournée. A chaque étape, une contrée exotique et mystérieuse, une île, une crique, à chaque arrêt, un pillage sensuel des pirates. Et pour Zérène, une collection, respectueuse, stupéfaite, succombée, de "grains de beauté" ou mieux encore, de grains de désirs, de pâmoison, de volupté, de jouissance.

La poésie est sur toutes les pages, toutes les lignes. Le texte respire, hume, se moire, transpire, jouit. Les respirations se font langoureuses ou saccadées. Les mots se parent de couleurs, de textures, d'odeurs et même de créativité par les croquis sur le vif d'un peintre épris de sa muse.

Ce conte offre des grains de beauté à foison, en langage d'entomologiste, de botaniste, de peintre... des changements d'états, de textures, de chaleurs, de désirs.
A chaque page, l'abordage des contrées, l'invasion des paysages et la rencontre des créatures fantastiques et merveilleuses ne sont que des explorations de la sensualité humaine, féminine et masculine. Des invasions poétiques du désir charnel et des métaphores impudiques, pourtant tout en pudeur.
Comment ne pas succomber, encore, au talent impressionniste de la volupté et de la jouissance de vie et de mort, de cet amateur de mots. N'hésitez pas à lire le billet de Lily et merci encore à elle pour cette superbe lecture.



mercredi 23 mai 2012

Quelqu'un

"Quelqu'un" de Christine NÖSTLINGER et illustré par JANOSCH est un petit livre sur la recherche de soi.

© Christine NÖSTLINGER et Janosch/ La joie de lire

Quelqu'un est un nomade. Toute l'année il est sur les routes, chaparde ici et là pour manger, se cache dans une grange et continue son chemin. Il suit les saisons en descendant vers le sud pour avoir un hiver doux et remontant vers le nord dès le printemps pour un été modéré. C'est quelqu'un ou personne.
Parce que personne ne le remarque, personne ne lui parle ou presque et c'est aussi quelqu'un "Voilà quelqu'un qui vient" et les enfants dans les pays qu'il traverse, qu'il voit chaque année lui envoient des "Bonjour, Monsieur Quelqu'un!".

Un jour il tombe malade et se trouve ramené devant la maison d'une femme ronde comme une citrouille. Elle le soignera, l'alimentera et il y restera tout l'été, sans bouger de la maison.
Parce que oui Quelqu'un est amoureux.

Mais l'aspiration des routes, de l'errance, revient avec l'arrivée des raisins à maturité. Un jour Quelqu'un part, la femme ronde le savait.
Sur sa route, les saisons, les montagnes, les mers, les pays et... les hommes. Quelqu'un devient quelqu'un. Il chemine de par la route avec une troupe de cirque, chemine à travers les mers avec un vieux capitaine...
Mais un jour, le cheminement le ramène vers elle, la femme citrouille.

© Christine NÖSTLINGER et Janosch/ La joie de lire

Christine NÖSTLINGER offre là un livre sur le cheminement, la découverte de ce que nous attendons de la vie. L'errance est magnifique, la marche envoutante et les rencontres humaines prennent tout leur sens. Elles sont choisies, appréciées jusqu'à la lie.
C'est aussi un livre de grands bonheurs et petits présents, la chaleur du soleil dans le dos, les bateaux sur la mer, le rouge à travers le vitrail d'une église au lever du jour mais aussi une pierre polie, une plume.
Il est aussi question d'amour et même d'amour physique, de cette chaleur des corps (mais n'hésitez pas la lecture en est toute bien pensante).
La conclusion est, elle aussi, superbe. Ouverte, de liberté, d'attachement choisi, d'amour et il est beau qu'un seul prénom existe dans ce livre, comme un accomplissement de soi mais pas totalement.

© Christine NÖSTLINGER et Janosch/ La joie de lire

Les illustrations de Janosch sont comme des impressions, les hommes ne prennent "ancrage" qu'après s'être vraiment rencontrés... Elles sont aussi ponctuées de détails comme trouvés au bord des chemins.

dimanche 20 mai 2012

Le Yark


© Bertrand SANTINI et Laurent GAPAILLARD/ Grasset Jeunesse

"Le Yark" de Bertrand SANTINI et illustré par Laurent GAPAILLARD est un magnifique petit roman illustré. Il nous parle d'un monstre et offre ici une lecture délicieuse pour jeunes et moins jeunes. Les monstres ne sont plus aussi gentils qu'avant, à moins que ce soient les enfants!

"Parmi tous les types de Monstres qui grouillent sur la terre, l'Homme est l'espèce la plus répandue.
Il y en a une autre, cependant, plus rare et moins connue.
C'est le Yark." Cet ogre mange les enfants. Ils représentent un met délicieux, sucré et fondant. Et aucun rejeton n'est à l'abri, le Yark sait ouvrir les serrures et déjouer les pièges.
Enfin presque, parce qu'il ne peut manger que les enfants sages. Les autres passent bien dans son estomac mais sont tellement difficiles à digérer que les périodes aux toilettes sont de véritables cauchemars pour le Yark.

© Bertrand SANTINI et Laurent GAPAILLARD/ Grasset Jeunesse

Il ne peut que chercher à tous prix les gentils. Mais les temps ont changé. Auparavant les enfants étaient naïfs et pour la plupart assez sages. Maintenant les chenapans pullulent et le Yark a peu de bons petits à se mettre sous la dent. Parce que oui, le Yark est difficile: un enfant sage, propre et bien portant, pas trop gras non plus sous la dent.
Il a une idée, se fier aux connaisseurs, par exemple le Père Noël a une liste des enfants gentils. Il part la lui chiper et s'offrir les enfants inscrits en guise de déjeuner.

Mais voilà, le Yark n'est pas au bout de ses peines, la vie va lui jouer de sacrés tours. Les enfants ont des ressources pour se prémunir des monstres. Oui, oui Charlotte ou Lewis sont pourtant des enfants sages. Et pourtant...
Le Yark repartira avec un mal de ventre, des pets, une diarrhée, de quoi le "rendre fusée". Il rencontre la mort, "boule de lumière froide" et vitrée. A son réveil Madeleine est là. Pile une enfant sage!

© Bertrand SANTINI et Laurent GAPAILLARD/ Grasset Jeunesse

Bertarnd SANTINI nous offre là une magnifique histoire de monstre. L'ogre est complexe, subtil. Il réfléchit et est prêt à s'émouvoir. Ses anecdotes sont jouissives et hilarantes pour les petits et les plus grands: des délices d'un enfant, ses doigts, sa cervelle, son goût, son odeur, sa texture aux méandres digestifs des pets, des feux de derrière.
Mais c'est aussi une histoire plus spirituelle. Les à priori alimentaires amènent à se poser des  questions, à agir par tolérance. Et puis l'amitié est là, au bout de la route, une amitié qui peut demander des sacrifices et de se dépasser.
Une lecture pour les plus grands peut vraiment être sur l'éducation de nos petites têtes plus ou moins sages et sur ce qui est monstrueux: le monstre, l'ogre, l'humain.

Les illustrations de Laurent GAPAILLARD sont magnifiques. Ces encrés offrent tout le panel d'ombres prêt à nous mettre dans l'ambiance: un Yark gigantesque, poilu et presque dissimulé même s'il est de plein pied. Puis une ville de nuit, des vues du ciel. Et des duels avec les enfants, des détails qui font peur et leur pendant réconfortants. Le Yark monstrueux semble apeuré et seul.

mardi 15 mai 2012

Recette du sandwich à l'hippopotame

"
Le sandwich à l'hippo est simple à préparer.
Il vous suffira de vous procurer
Une tranche de pain de mie
Et une tranche de pain bis,
De la mayonnaise au sésame,
Un oignon en rondelles,
Un hippopotame,
Un bout de ficelle,
Un peu de poivre à moudre -
C'est tout, c'est suffisant.
Reste à présent un problème à résoudre...
Comment mordre dedans!
"
 © Shel SILVERSTEIN/ Editions Mémo

(extrait de "Le bord du monde" de Shel SILVERSTEIN)

... et en version originale c'est là...

Thésée, Comment naissent les légendes

"Thésée, Comment naissent les légendes" d'Yvan POMMAUX est une proposition de lecture mythologique parfaite. C'est un coup de cœur!

 © Yvan POMMAUX/ Ecole des loisirs

Elle allie les illustrations à même de permettre de suivre l'histoire dès le plus jeune âge, une ligne de récit complète et une vraie trame du mythe. Thésée est ainsi réinscrit dans une histoire qui le devance.

En 1966, deux plongeurs remontent d'une épave des morceaux de vase grec ancien. L'occasion de se remémorer la légende du combat entre Thésée et le Minotaure.
Mais Thésée est avant tout un enfant, l'union d'Aïthra avec soit son roi, Égée d'Athènes, soit le dieu de la mer Poséidon. Et là, toute une destinée est tracée: il est le fantasme d'un roi, l'incarnation d'une force et d'un courage et la victime de haines précédentes.

© Yvan POMMAUX/ Ecole des loisirs

Egée, oubliant son amour de campagne, est extrêmement envieux du fils du seigneur de Crète, Minos, symbole d'une continuité du pouvoir. Il entamera les hostilités contre son principal adversaire en précipitant à la mort l'héritier. Minos, fou de rage, prononcera la sentence: chaque année 14 jeunes gens d'Athènes serviront à venger la mort de son fils. Ils entreront dans le labyrinthe de Crète avec soit la joie d'en sortir libres (mais le dédale est si complexe qu'aucun n'a réussi), soit la fatalité d'être donner en pâture à son beau-fils monstrueux, le Minotaure.

De son côté, Minos a aussi des choses à se reprocher. Il invoque Poséidon pour le protéger son peuple des raz de marées et ne l'honore pas comme il convient. Ce superbe taureau blanc livré pour le sacrifice est remplacé par un autre et devient, par un retour diabolique et peut-être voulu par le Dieu de la mer, le père du Minotaure, dont la mère n'est autre que la femme de Minos.

Et Thésée grandit, démontre sa force, sa témérité et son esprit "dent pour dent, œil pour œil". Il conclura cette histoire commencée avant lui.

© Yvan POMMAUX/ Ecole des loisirs

Yvan POMMAUX réussit là un tour de force. Les imbrications, les détails, les vices humains et divins sont explicites et clairs. En plus, ils ne plombent pas la lecture et offrent là une complexité du mythe.
Ces illustrations sont belles, ces encarts de focus bien amenés. La mythologie retrouve ses relations humaines et divines, ses actes précurseurs, ses fatalités et ses conséquences.

Une chose encore: je suis ravie de la sortie de ces albums en format poche, comme un roman graphique.

mercredi 9 mai 2012

Journal d'un adieu

"Journal d'un adieu" de Pietro SCARNERA est un court roman graphique. Il parle d'un sujet difficile, celui du coma après un arrêt cardiaque et de ceux qui restent. 

© Pietro SCARNERA/ Çà et Là

Au fil des pages, cinq années se succèdent et avec elles, cette vie conditionnée aux visites à l’hôpital. Pietro raconte les lieux, ceux-là même que nous ne découvrons normalement que pour un laps de temps défini, une maladie, une maternité, un accident. Et pourtant là, ils deviennent lieu de vie. Son père est dans le coma et va changer de services mais reste entre ces murs impersonnels. La chambre, les couloirs, la salle à café, la salle d'attente. Ce sont les gestes de gène, de tristesse, puis la prise d'habitudes...

© Pietro SCARNERA/ Çà et Là

C'est aussi un corps, des mesures thérapeutiques de survie. Un corps différent de l'homme vivant. Où est donc le papa? Est-il coincé dans ce corps? Est-il déjà mort? Tout est mis en place pour le tenir dans son état, pour croire en une amélioration... c'est une attente de la famille épiant chaque détail... le mouvement des yeux... et une succession de prise en charges médicales.

C'est de cette attente qu'il s'agit. De l'état végétatif qui n'est pas la vie. Une attente de récupération voire de réadaptation, une attente d'avis médicaux plus francs, une attente de la mort.

© Pietro SCARNERA/ Çà et Là

Il est aussi question, bien-sûr, de la relation du fils au père. Le retrouver dans ce corps inerte, le retrouver aussi sans corps, retrouver ce qui fait de l'homme le papa. Des objets mais aussi des gestes, des mimiques... une reprise de la mémoire.

L'auteur nous parle là de sa vie et tous les détails donnent de la texture à ce témoignage. La bande dessinée aux bulles faites de détails, et non de pathos, est suivie d'autres témoignages sur le coma, l'attente des familles, le choix des victimes sur leurs lits.
tous les livres sur Babelio.com

Chère Mili

*source Maurice SENDAK

... et pour rentrer encore plus dans ce conte... pour suivre le chemin dans la forêt, n'hésitez pas à lire le billet de Florizelle...