vendredi 27 décembre 2013

Au fond du coeur j'avais bien... un fil pour suivre ma route - La Lettre à Helga

"J'en ai vu composer de beaux poèmes sur l'amour et chanter ses louanges lors des réunions, mais à peine revenus à la vie de tous les jours, c'est comme si la plupart se dépouillaient du costume des belles paroles et dénigraient l'amour autant que faire se peut, pour moisir sans lui dans leur coin, le plus clair de la vie. C'est ainsi qu'il m'apparaît, le phénomène -  l'homme, et moi en premier, quand j'en parle sans ambages. C'est comme si le penchant de l'homme n'était jamais pur, ni en harmonie avec le beau que la vie a essayé de lui inculquer. Encore heureux si l'on ne s'évertue pas carrément à mener sa vie à l'encontre du bien dont on a pourtant connaissance au fond de soi. Je ne veux pas dire que l'on se propose d'être un vrai salaud - mais que l'on ne tente jamais vraiment le contraire. Or l'écart est grand entre les deux, et c'est dans cet écart que se loge l'existence de la plupart - elle y éclot, s'y évanouit et se fane. Comment était-il déjà, le quatrain de Kristjan OLI ?

Au fond du cœur j'avais bien
- comme tous les autres sans doute -
un fil pour suivre ma route,
mais il ne m'a servi de rien."
(extrait de "La Lettre à Helga", Bergsveinn BIRGISSON, Zulma)

mardi 24 décembre 2013

Joyeux solstice d'hiver!



"Primrose ouvrit sa fenêtre. Juste à ce moment, ils purent entendre le chant des souris qui tiraient la bûche du solstice le long des haies. Ils jetèrent leurs manteaux sur leurs costumes et coururent pour rejoindre la foule massée devant la porte du palais. M.Apple et Dusty conduisaient la procession en levant haut leur lanterne.

"Grillez les châtaignes et chauffez le vin, 
Passez les coupes de main en main.
Quand la bûche flambera, nous serons toutes réunies,
Et nous fêterons la fête jusqu'au bout de la nuit."
chantaient les souris quand on vit apparaitre la bûche.
[...] On fit glisser la bûche précautionneusement sur le seuil et Basil aspergea l'écorce de vin d'épines.
"Joyeux solstice d'hiver!"
La bûche était enfin là, la fête pouvait commencer."

(extrait de "Le secret de l'escalier" de Jill BARKLEM, Gautier Languereau)

Ce qu'il reste des livres lus - L'enfant de l'étranger

"Elle éprouva un sentiment identique mais pire, d'une certaine façon, à propos des centaines et des centaines d'ouvrages qu'elle avait lus, romans, biographies, quelques livres sur la musique ou la peinture: elle avait tout oublié, de sorte qu'il devenait vain de même dire qu'elle les avait lus; les gens accordaient beaucoup de poids à ce genre de prétention mais elle se doutait bien qu'ils ne se appelaient pas davantage qu'elle-même. Il arrivait qu'un livre subsiste à la périphérie de sa vision, comme une ombre colorée aussi floue et irrécupérable que ce que l'on voit depuis la vitre d'une voiture sous la pluie: si on regardait directement, ça disparaissait entièrement. Parfois une atmosphère, voire les rudiments d'une scène, se dégageait: un homme dans un bureau donnant sur Regent's Park, la pluie dans les rues; gravure brouillée d'une situation dont elle ne retrouverait jamais, ne pourrait jamais retrouver la provenance, dans quelque roman lu, Dieu sait quand, au cours des trente dernières années."
(extrait de "L'enfant de l'étranger" d'Alan HOLLINGHURST, Albin Michel)

mercredi 18 décembre 2013

La rue de Garmann

Nous avions lu et relu le troisième volet avant même d'avoir le second. Je peux enfin continuer à vous parler de Garmann. Tant mieux, cela parle de chaleur humaine, de nature et d'émotions.

 © Stian HOLE/ Albin Michel Jeunesse

Dans "La rue de Garmann", Stian HOLE continue de nous emmener dans l'univers de ce garçon norvégien.
Plutôt solitaire, Garmann voudrait terminer un herbier. Les plantes qui lui manquent sont dans le jardin du vieux monsieur, l'ancien postier. Sauf qu'il n'a pas l'air commode celui-ci. Oui mais il y a Roy, ce garçon sûr de lui, qui sait faire du vélo sans les mains et a les faveurs des jumelles. Et puis Roy est méchant et quand il vous prend à partie pour montrer votre courage, de peur, vous êtes capable de ne plus être vigilant. Et voilà, le feu a pris dans le jardin de l'Homme aux Timbres. Et celui-ci sort furieux de chez lui.

© Stian HOLE/ Albin Michel Jeunesse

Qu'est-ce que le courage? ""La vie n'est jamais sûre. C'est seulement quand on a très peur qu'on peut être courageux", a dit papa à Garmann. Sans doute, mais qui peut être courageux quand Roy bloque la porte de la grille?" Il y a ce manque de courage face au plus fort mais aussi le courage de ses actes, le courage d'être là.
Avec Stian HOLE, ce sont toujours des partages. Ici aussi entre générations, de petits riens, le nom des plantes, des chiffres qui en disent plus long.
L'histoire se déroule à travers Garmann, avec de ces détails qui obnubilent un enfant, comme la goutte au nez. Ce sont aussi des petits riens d'atmosphère qui donne une idée d'une ville, d'un quartier mais aussi d'une nature à ne pas laisser de côté.

© Stian HOLE/ Albin Michel Jeunesse

Et puis nous retrouvons là un style graphique très particulier: des dessins comme des photographies, des prises de vue incroyables comme des contre-plongées, des déformations de visages pour aller à l'essentiel de l'émotion.

mardi 10 décembre 2013

Moi, Stevenson, l'aventure de ma vie

Il y a encore quelques années, je vous aurais dit ne lire aucune biographie. C'est, en fait, avec la littérature jeunesse que j'en ai découvert l'intérêt. J'avais lu avec beaucoup de plaisir quelques propositions des éditions Au Diable Vauvert, collection "A 20 ans". D'ailleurs, il me faudra y revenir. J'avais découvert que la trame d'une vie donnait à lire et à relire encore mieux leur œuvre (à regarder aussi pour les artistes). Ce n'est pas un scoop mais jusqu'à présent le livre pris seul (l’œuvre) était un objet suffisant pour moi. Depuis, vous l'aurez compris, je prends plaisir à suivre les vies des auteurs, surtout quand le lectorat ciblé est la jeunesse: le texte n'est alors pas grandiloquent et ce n'est qu'une porte ouverte proposant ainsi d'avoir encore le choix subjectif d'une autre vie qui n'est finalement pas toute la réalité mais romancée.


"Moi, Stevenson, l'aventure de ma vie" de Jean RENÉ et quelques illustrations de Zaü (dont la couverture) est une belle proposition pour les jeunes lecteurs.
 Ce livre part d'une invention, celle que RLS, comme il aime signer, aurait laissé un journal intime à sa mort. "A toi qui rêves d'être un vagabond, un voyageur, un écrivain." offrirait ainsi une page ouverte sur certains moments de sa vie.
RLS est un enfant chétif, malade. Il ne peut pas suivre l'école et est très solitaire. Il trouve cependant un réconfort dans les livres, il se créé ses propres aventures imaginaires. L'aventure en suivant Alexandre DUMAS mais bien avant sa nurse Cummy qui chante et raconte les légendes d’Écosse. Pour sa santé, il partira en France, momentanément, comme tous ses voyages sauf le dernier. Sa jeunesse est faite de cela, de départs, de lectures et d'écritures.
Il ne souhaite pas devenir constructeur de phare comme son père ni avocat comme ce dernier le voudrait. Il veut dès le début être écrivain mais suit des études scientifiques puis de droit. Toute sa vie, il va chercher à être reconnu pour son écriture, à subvenir aussi aux besoins de sa famille et ne plus être redevable à son père.
Sa vie est liée à celle de Fanny OSBOURNE, américaine mariée et mère. Pour elle, il part à Paris puis aux États-Unis. Pour son fils qu'il finira par adopter, il écrit "L’ile au trésor".
C'est aussi du voyage, thérapeutique, déménagement mais aussi pour le voyage lui-même. "Celui qui a aussi respiré la poussière de la route, eu mal au dos en portant son sac à dos, celui-ci avancera peut-être jusqu'à découvrir son île au trésor." Mais souvent, ses textes parlent de son Écosse natale.
Il finira sa vie dans les îles Samao, soutenu par le roi Mataafa, qu'il soutiendra à son tour lors de la guerre civile entre les blancs, Anglais, Allemands, Américains, et les Samoans.

Cette courte biographie permet d'entrevoir sous le caractère littérature jeunesse une plus grande profondeur aux œuvres de STEVENSON. Il reste un romancier d'aventure mais qui peut aussi prendre position, par exemple pour les Samoans, et a une réflexion poussée sur le voyage, l'exotisme (voir ici son île Ulufanua), la vie et aussi la place si important des livres "seuls professeurs" pour lui.
"Et ce que [Walt WHITMAN] dit dans ses poèmes va diriger ma vie à venir: il dit que réussir sa vie, c'est la mettre en danger. C'est remettre en question ce qu'on a appris, ne faire la révérence devant personne, vivre libre avec la nature, mépriser la richesse."

Je ne peux qu'encourager la maison d'édition Bulles de savon pour nous fournir d'autres biographies. Merci d'ailleurs à elle et à l'opération Masse critique de Babelio.

"Tusitala", le raconteur d'histoires ou RLS


" "Ulufanua est une île imaginaire, et son nom est un très beau mot des Samoa qui désigne les cimes d'une forêt. Ulu veut dire "feuilles" ou "cheveux", et fanua "terre". Le sol, ou le pays des feuilles. "Ulufanua, the isle of the sea", Ulunfanua l'île de la mer, lisez ce vers en respectant la longueur des syllabes et son rythme apparaît. Les "u" sont à prononcer comme nos doubles "oo". Avez-vous jamais entendu plus joli mot?"
Je tiens à ce que, dans mes histoires, le lecteur en vienne à découvrir l'esprit des mers du Sud, c'est ça qui m'intéresse. Je doute cependant que le public soit prêt pour cela, peut-être n'attend-il simplement que de l'exotisme."
(extrait de "Moi, Stevenson, l'aventure de ma vie", de Jean RENE dont je parle là, illustration de Newell Convers Wyeth, couverture de "L'île au trésor", l'île la plus connue de RLS)

dimanche 17 novembre 2013

Théorie sur la destinée et le caractère - Canada


"Pendant toutes ces années, j'ai repensé à son regard, à la façon dont il avait changé. Et comme il allait lui-même provoquer des changements considérables, je me suis dit que, peut-être, des capacités refoulées se reflétaient sur son visage. Il était en passe de devenir ce qu'il avait sans doute toujours été. Il avait simplement fallu qu'il use toutes les couches superficielles de son être pour laisser voir le fond de sa nature. J'ai observé le phénomène sur le visage d'autres hommes. Des hommes sans feu ni lieu, vautrés sur le trottoir, devant des bars, des jardins publics, des dépôts d'autobus, en train de faire la queue devant la porte d’institutions charitables où échapper à la longueur de l'hiver. Sur leurs visages - beaucoup étaient beaux, mais ravagés - j'ai vu les vestiges de ce qu'ils avaient failli être, sans y parvenir, avant de devenir ce qu'ils étaient. C'est une théorie sur la destinée et le caractère qui ne me plaît pas et à laquelle je ne veux pas adhérer. Mais elle est là, en moi, comme un impitoyable récit en sous-main. De fait, je ne croise jamais un homme ravagé sans me dire: Voilà mon père, mon père est cet homme-là. Je l'ai connu dans le temps."

mercredi 13 novembre 2013

N'y a-t-il personne pour se mettre en colère?

J'aime beaucoup la poésie de cet auteur, Toon TELLEGEN, ce médecin devenant auteur jeunesse et donnant la voix à de petits (ou gros) animaux. Des petits riens, des petits bonheurs, des petits partages, du quotidien mais aussi ce qui fait le lien, le charme, l'amitié. Je vous donnais là un exemple de sa poésie, "La boîte à fêtes", extrait de "L'anniversaire de l'écureuil" ou là une idée de l'ours glouton, extrait de "Lettres de l'écureuil à la fourmi".
Vous ne serez pas étonné de savoir que le premier livre en ma possession fut celui illustré par Kitty CROWTHER pour qui j'ai une admiration intense, autant pour son art, que pour la sensibilité qu'elle met entre chaque touche colorée et chaque mot. Le premier volet avait été illustré par Alex SCHEFFLER, chacun pouvant être lu de manière complètement autonome, les caractères et les relations entre les animaux s'intensifiant juste au travers de leurs histoires.

© Toon TELLEGEN et Marc BOUTAVANT/ Albin Michel jeunesse


"N'y a-t-il personne pour se mettre en colère?" de Toon TELLEGEN et illustré pour ce troisième volet par Marc BOUTAVANT est une superbe proposition. Il s'agit là de la plus accessible des trois par rapport à la quantité de texte. Ici les chapitres sont plus courts et le sujet aussi permet de s’immerger plus facilement.

Tout le monde dans ce bois est en colère... ou presque. Il y en a pour qui la colère est une seconde nature : le daman est un colère contre le soleil, l'éléphant contre lui-même, le rhinocéros et l’hippopotame mutuellement ou d'une autre manière la musaraigne et le cochon de terre. Le scarabée et le ver de terre font une compétition de colère.
Il y a d'autres animaux (le hérisson ou le grillon) pour lesquels la colère est un mystère à élucider. Il faut l'apprendre, l'acheter à l’écrevisse, la comprendre, la faire sienne. Et puis il y a les animaux qui, par amitié, apprennent aux plus timides à faire venir la colère, aux plus hargneux à la faire partir.
Somptueux chapitre de la musaraigne qui souhaite mettre à bout l'écureuil.

© Toon TELLEGEN et Marc BOUTAVANT/ Albin Michel jeunesse


Les scènettes sont magnifiques et pleine d'humour. Comme toujours Toon TELLEGEN a de la poésie dans les dialogues, une subtilité et une sensibilité poussées, tout est en finesse.
Mais ce qui fait vraiment de ce troisième livre une apothéose est le kaléidoscope des émotions proposées. Les manifestations de colères, d'agacement, de découragement, de mélancolie, de frustration, sont autant dans les propos, les attitudes, les manques de respect que dans une mise en situation, une imagination sur la vie. Il s'agit là d'une vraie grammaire émotionnelle et une éducation à la vie : à la seconde lecture, une manière de reconnaitre, de distinguer, de laisser passer et de faire partir... (c'est comme une manière bouddhiste d'envisager les émotions: la souffrance est au sein même de la vie, les émotions sont une part de nous, doivent être prises en considération, être vécues et s'évacuer comme une gros nuage poussé par le vent... le crapaud est là bien loin de la grenouille, calme et attentive, d'Eline SNEL... mince je devais en parler il y a déjà bien longtemps, ici ou ailleurs!).

© Toon TELLEGEN et Marc BOUTAVANT/ Albin Michel jeunesse


Les illustrations de Marc BOUTAVANT proposent encore là des animaux bien campés, stylisés et très attachants. Mais c'est aussi des mises en ambiances, des doubles pages en clair-obscur, des éléments piquants, éclaboussants, venteux. Au fil des pages, le bois, la mare, les herbes prennent possession des lieux, offrent un paysage mais aussi certaines fois un miroir des émotions. Magnifiques effets de feuilles, de vents, de reflets. Superbement abouti.

mardi 12 novembre 2013

Le grand arbre et autres histoires

Je vais vous parler d'un livre que je n'ai pas. Parce qu'il ne faut surtout pas passer à côté. Il s'agit d'une compilation de 4 histoires écrites et illustrées par Rémi COURGEON"Le grand arbre", "Invisible mais vrai", "Trois jours en plus" et "Les cheveux de Léontine". Et il ne faut pas bouder son plaisir quand nous pouvons retrouver 4 récits d'une sensibilité fine pour un prix raisonnable. Les deux premières histoires étaient sorties en petit format souple et peu cher mais là, retrouver aussi deux grands albums déjà édités c'est comme un cadeau.
Alors pourquoi me permettre d'en parler: parce que si vous ne connaissez pas encore Rémi COURGEON, après les prix reçus par son album "Brindille", je ne peux que vous convier à son univers et parce que sur les quatre histoires, j'en ai tout de même 3!

© Rémi COURGEON/ Mango jeunesse

Je ne vous parlerais donc pas de ce fabuleux "Trois jours en plus", mon avis est ici, ni de "Invisible mais vrai" avis là mais du "Grand arbre".

 © Rémi COURGEON/ Mango jeunesse

Un riche monsieur est en voyage d'affaires et survole un magnifique arbre. C'est décidé, il le veut près de sa piscine. Il peut tout acheter alors voici tout un groupe de personnes et de machines en train de déraciner le grand arbre. Oui mais voilà, une de ses racines est soudée à une autre, celle d'un petit arbre, planté chez la voisine, une vieille dame. Pas de souci, on coupe. Non ce n'est pas possible disent les jardiniers. Le secrétaire de l'homme riche tente d'intercéder pour récupérer le second arbre mais pas moyen. L'homme riche se déplace alors lui-même chez la voisine. Il était attendu, elle lui offre le thé et les tuiles aux amandes.
Et l'homme est déstabilisé. Personne ne prend soin de lui. La parole de la femme a coupé la dynamique de vie de l'homme. Pourquoi, comment? Peu importe, c'est l'anniversaire de la dame et l'homme lui demande ce qui lui ferait plaisir: de ré-enraciner le grand arbre. L'homme congédie son personnel et se met à la tâche.

© Rémi COURGEON/ Mango jeunesse

Il y a dans cette histoire un rêve de gosse, inassouvi, un manquement qui, sûrement à force d'être répété, amène une manière de vivre. L'homme riche peut tout acheter mais il semble que le regard de la vieille femme le laisse démuni, désorienté, prêt à nouveau au contact, à l'échange.
Ce pourrait être un conte écologique: le grand arbre est soudé à un autre, il ne sera pas déraciné mais restera dans sa terre d'origine. Au début cela fait un peu penser à "Mia et les Migou" mais non.
C'est une tâche longue, dure, un labeur quotidien, qui pourrait être trivial mais qui n'est là pas, ne l'est plus. Il y a du partage, de la vie. L'homme s'enracine dans ce qu'il aime. Et le dernier coup de fil est magnifique.

© Rémi COURGEON/ Mango jeunesse

Je n'ai pas lu "Les cheveux de Léontine" mais je suis sûr d'y trouver de cette sensibilité aux autres, à la différence, un retour à certaines valeurs. Non, rien de moralisateur, juste un petit encart sur du réactif.
Rajout du 16/04/2015: voici "Les cheveux de Léontine" lu ici.

Zizi, lolos, smack !

Je vous avais présenté une pépite en documentaire jeunesse sur l'éducation sexuelle dans son ensemble (la sensibilité, le contact, les sentiments et bien-sûr les organes génitaux!). Une magnifique proposition pour une réflexion de fond mais la "légèreté taquine" dans tout cela. Oui, oui j'entends d'ici quelques voix reprochant à mon premier choix, presque exclusif (?!), d'être intellectualisant et pas très libérateur de tension pour les petits curieux. Bon allez, de quoi les dérider et leur donner envie de feuilleter encore et encore, tout en pouffant et tout en découvrant.


© Delphine GODARD et Nathalie WEIL et illustré par Stéphane NICOLET/ Nathan


"Zizi, lolos, smack!" de Delphine GODARD et Nathalie WEIL et illustré par Stéphane NICOLET est un livre à nombreux rabats. Le texte est clair, très complet en terme d'informations.
 Pour ce qui concerne le plus sérieux: une explication de la puberté, des transformations physiques du corps entier, la voix qui mue, la pilosité qui vient pour les garçons comme pour les filles; un décryptage complet des organes génitaux; une description de la menstruation, de la fécondation (en terme de spermatozoïdes et d'ovules, entendons-nous bien, pas de mécanisme d'encastrement figuré... il vous faudra là vous référerez à une autre ressource, par exemple Titeuf dans le billet concernant une certaine éducation sexuelle); une description de la vie in utero, des mises en garde sur la protection sexuelle et sur l'inceste ou la protection des mineurs.

© Delphine GODARD et Nathalie WEIL et illustré par Stéphane NICOLET/ Nathan

Pour le plus jouissif (non, non, sans jeu de mots) des doubles pages plus douces: les à priori sexués (elle est douce, il aime le foot), les animaux les plus bêtes de sexe, des descriptions humoristiques... il faut soulever les rabats pour découvrir le sexe du "David" de MICHEL-ANGE ou du premier couple de CRANACH Le jeune; les seins sont des pommes, des poires, des melons; les érections (nocturnes ou les autres) sont présentées.

© Delphine GODARD et Nathalie WEIL et illustré par Stéphane NICOLET/ Nathan

Le vocabulaire sexuel est avancé, dommage toutefois qu'il ne propose pas celui des poètes, lui aussi très imagé mais aussi savoureux, cela permettrait tout de même de soulever le débat au dessus de la ceinture... ou de le redescendre avec plus de grâce!!

© Delphine GODARD et Nathalie WEIL et illustré par Stéphane NICOLET/ Nathan

Les illustrations de Stéphane NICOLET apportent ce ton humoristique. Quel beau parti-pris de prendre une ou deux références artistiques pour nous les montrer tous ces sexes. Puis c'est avec beaucoup de légèreté, de spontanéité (sans être dénué d'une petite malice) qu'il nous plante le décor, la diversité, les formes, les boutons, les émois, les vapeurs.

© Delphine GODARD et Nathalie WEIL et illustré par Stéphane NICOLET/ Nathan

Au final, un livre à mettre entre toutes les mains, à partir de 9 ans dixit la maison d'édition. Il répondra aux attentes de renseignements précis et aux envies de glousser en douce des plus jeunes.



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Et puis parce que j'irais voir à Paris l'exposition "Masculin/Masculin", un magnifique clip de présentation de l'exposition: ce sont là des représentations vidéo de tableaux présentés.
Il y a une mise en garde pour dérouter les plus jeunes, quel dommage! Ce n'est qu'un homme nu! Et vous pouvez lire le billet de Lily à ce sujet, je suis complètement d'accord avec elle!



vendredi 8 novembre 2013

Les inventions

Je trouve qu'il n'y a pas d'âge pour (tenter de) comprendre le monde. Et j'aime à découvrir des documentaires pas bêtes pour un sou et pourtant très inspirés. La collection "A petits pas" des éditions Actes Sud junior est vraiment une mine d'éléments pour expliquer mais aussi, et peut-être surtout, pour provoquer la curiosité. Nous en avons certains à la maison. Mais l'arrivée de la collection " A très petits pas" est encore un plus, elle cible les enfants à partir de 6 ans... juste de quoi les hameçonner dur, dur!
Dans l'optique de proposer avant 9 ans quelques leçons de chose, les 5 grandes leçons Montessori (la naissance de l'Univers et de la Terre, la naissance de la vie, la naissance de l'homme, la naissance de l'écriture, la naissance des nombres, des mathématiques), c'est avec précipitation que je me suis jetée sur quelques titres allant me servir.

© Véronique CORGIBET et Laurent KLING/ Actes sud junior

"Les inventions" de Véronique CORGIBET et illustré par Laurent KLING est un parfait début. Le jeune lecteur y découvrira quelques inventions primordiales pour notre société par double page thématique: le feu, l'écriture, l'électricité, la mesure des longueurs ou du temps, les médicaments par exemple.

© Véronique CORGIBET et Laurent KLING/ Actes sud junior

A chaque fois, une phrase d'accroche puis des chapitres très courts mettent l'accent sur une découverte. Des éléments importants sont soulignés comme le charbon, l'âge de bronze, le papyrus, la pénicilline. Cela donne une idée de la progression des inventions, leur insuffisance (pour certaines) et leur utilité. Le livre montre aussi que l'invention est un fait personnel et sa genèse géographique.

© Véronique CORGIBET et Laurent KLING/ Actes sud junior

Les illustrations de Laurent KLING apportent une dérision et un humour permettant de capter l'attention encore mieux. L'invention est là mais dans sa mise en pratique ou dans les expériences quelques fois malheureuses avant son achèvement. Délectable.

Au final un très beau documentaire, véritable porte ouverte à d'autres découvertes et à une focalisation sur certaines.

jeudi 7 novembre 2013

Le jour des corneilles


"Me vint une fois la question que voici: aurait-il enfoui son chérissement pour moi dans la tombe avec mère ? Je mâchais ce penser: "Serait-ce donc faisable de mettre en terre le sentiment humain? " Bien qu'avoisinant en âge la longueur d'une demi-vie au moins, je ne connaissais pas encore très bien les lois conduisant le monde. Pouvait-on inhumer le sentiment, comme on le faisait coutumièrement des chairs ? Produits de cœur seraient ainsi autant palpables que viscères, que musclures ? Aussi enfermables que gangstaires ? Cela, en tous cas, traduirait la sécheresse de père à mon endroit. Il me fallait éprouver cette vue."

(extrait de "Le jour des corneilles" de Jean-François BEAUCHEMIN)

**P.S: de nombreux romans sont restés pour moi des lectures fortes, secouantes. Elles ont impressionnées mon esprit comme une pellicule pendant des mois. Je n'ai pas pu les billetter là, je voulais choisir mes mots, vous donnez envie, trop en dire sur mon ressenti de lectrice peut-être aussi. Je n'ai donc rien écris. Depuis peu je vous laisse ici ou là des extraits de ces lectures passées depuis si longtemps, puis en actualisant au fil des lectures : les mots de l'auteur avec un début d'atmosphère pour vous donner envie de lire plus loin... avant mon billet.

Lettres de l'écureuil à la fourmi (heu, de l'ours à l'écureuil)


"Bien cher écureuil,

Il y aura sûrement un gros gâteau à ton anniversaire. Est-ce que, pour une fois, je pourrais le manger entièrement à moi tout seul ? Un gâteau au miel, de préférence. Tout le monde pourra regarder. Je le mangerai si goulûment que vous n'en croirez pas vos yeux. Tout le monde applaudira et criera de joie, je te le promets.
Ensuite, les choses pourront continuer normalement (se féliciter, déballer les cadeaux, danser, se dire au revoir, dire que c'était chouette, demander quel est le prochain anniversaire, etc.).
C'est juste un souhait, l'écureuil.
L'ours"

(extrait de "Lettres de l'écureuil à la fourmi" de Toon TELLEGEN et illustré par Alex SCHEFFLER)

mercredi 6 novembre 2013

Les mésaventures du gourou Paramarta

Souvent quand nous parlons de sage, nous pensons à une intelligence rare, posée. Nous pourrions croire que le gourou de ce conte tamoul en est un digne représentant. En fait, "Les mésaventures du gourou Paramarta" de Viramamunivar, traduit par Françoise DE VALENCE et illustré par Lydia GAUDIN CHAKRABARTY nous présente un vieil homme bien plus "pétillant", pas malin pour un sou (ou roupie encore moins une pagode). Un livre jeunesse avec une philosophie aussi pour les adultes!
 
© Viramamunivar et Lydia GAUDIN CHAKRABARTY/ Chandeigne

Paramarta est un gourou indien, il tient bien un mata, pensionnat où le suivent 5 disciples, mais son quotidien est ponctué de petits problèmes qu'il va s'évertuer à résoudre à sa manière. Traverser une rivière en prenant compte de l'humeur de l'onde, acquérir un cheval, payer des taxes etc.
Autant dire que chaque difficulté à la base va donner une péripétie d'anecdotes et de bétises. Oui, les pensionnaires, et même leur maître, ne brillent pas par leur sagacité ou leur discernement: ils se comptent sans penser à prendre dans le calcul la personne qui compte, ils achètent un œuf de cheval et quand celui-ci s'écrase au sol ne se rendent même pas compte de leur erreur mais imaginent bien une explication.
Le groupe part de mata en mata et de villages en villages pour mendier et devient ainsi la risée des habitants, les victimes des malhonnêtes et les protégés des braves gens, quoique après une belle petite moquerie. Ce conte en petites histoires est délectable et plein d'humour. Bien-sûr les disciples sont plutôt benêts, d'ailleurs leur nom les prédestine : Nigaud, Bêta, Nunuche, Zozo et Nouille. Chaque situation et personne rencontrée va souligner leur sottise.

© Viramamunivar et Lydia GAUDIN CHAKRABARTY/ Chandeigne

Il est alors question d'une forme d'intelligence, celle du commun ou des leçons de chose (ovipare ou vivipare mais aussi quelques notions communes de physique ou des cela va de soi comme de ramasser ce qui tombe au sol mais pas tout, tout de même, le turban mais sans le crottin de cheval, les vêtements listés mais aussi le brahmane).
Mais les disciples montrent bien là de l'attention, de la tendresse et les rapports humains prennent une place importante. La sottise oui, la malhonnêteté, la méchanceté et l'avarice, mais aussi l'étonnement, la moquerie douce et la compassion pour ce sage et ses disciples.
A travers le conte, la société indienne apparait aussi dans la mendicité, le système de caste avec les brahmanes, le rapport au travail, au respect de l'autorité (au sein d'un couple par exemple) mais aussi les croyances et les prophéties.

© Viramamunivar et Lydia GAUDIN CHAKRABARTY/ Chandeigne

Les illustrations apportent un exotisme et une forme de spiritualité avec ces lignes circonvolantes et les éléments aérés. J'aime aussi ce Paramarta aux grandes oreilles et les yeux écarquillés des disciples et de ceux qui écoutent leurs aventures.

Ce livre jeunesse est ainsi une belle lecture et entre les lignes une relecture de nos qualités, nos défauts et de ce qu'est peut-être la vraie intelligence, celle des rapports humains entre autre.

Merci à l'opération Masse critique de Babélio et aux éditions Chandeigne.

jeudi 31 octobre 2013

American Gods



"Il était assez près pour qu'Ombre voit son visage: vieux mais satisfait, le visage d'un homme ayant goûté le vinaigre de la vie et constaté qu'il s'agissait essentiellement de whisky - de bon whisky."

(extrait de "American Gods" de Neil GAIMAN, source photographie d'un sans-abri, indien natif Cherokee)

mercredi 30 octobre 2013

Eduard Einstein à Burghölzli


"Une moitié de mon cerveau s'adresse à l'autre partie. Elle parle un langage que je ne comprends pas, que je n'ai pas appris.
- C'est peut-être de l'hébreu.
- Peut-être, puisque je ne comprends pas l'hébreu. Et à ce moment-là, tout se déchaine dans mon crâne. Une partie de mon corps prend le relais, et l'autre ne m'appartient plus.
- Je sais, Einstein. Tu es ici pour que cela cesse.
- Mais cela se poursuit.
- Tu n'as pas l'impression de moins souffrir qu'avant? Ou bien tout ce que nous faisons pour toi est-il vain? Il faut le dire, Eduard, si tu te montres ingrat à ce point.
- Il est vrai que je ressens moins les choses qu'avant.
- Cela veut dire que tu es sur la bonne voie, Eduard. Le progrès c'est de moins percevoir la douleur de l'existence. De se montrer insensible aux turbulences. Quinze années passées ici ont fait de toi un autre homme, tu sais. Moi-même j'ai pu le constater.
- J'ai beaucoup grossi.
- On se moque du poids.
- Je parle plus lentement, et parfois, j'ai du mal à exprimer clairement ma pensée.
- Les gens ne séjournent pas au Burghölzli pour penser, Eduard.
- Ceux qui sont là depuis trente ans ne s'expriment presque plus.
- Sont-ils vraiment à plaindre? Ne te sens-tu pas plus en sécurité dans notre monde, que dehors? De nombreuses personnes t'envient, tu sais?"

(extrait de "Le cas Eduard Einstein" de Laurent SEKSIK, source du dessin de la clinique Burghölzli en Suisse où a exercé Carl Gustav JUNG et Eugen BLEULER, premier à introduire les mots schizophrénie et autisme dans le discours psychiatrique. Eduard Einstein y a subi une cure de Sakel, une insulinothérapie et/ou convulsivothérapie, prévue pour diminuer les conséquences de sa schizophrénie)

vendredi 25 octobre 2013

Kim



"A-t-on jamais vu un disciple comme moi? cria-t-il gaiement au lama. Toute la terre t'aurait mis nu jusqu'à l'os avant dix milles des murs de Lahore, si je n'avais pas été là pour te garder.
- Je me demande en moi-même parfois si tu es un esprit, et d'autres fois si tu ne serais pas un lutin malicieux, dit le lama, avec un sourire.
- Je suis ton chela."
(extrait de "Kim" de Rudyard KIPLING, annoté par Alexis TADIE et traduit par Louis FABULET et Charles FOUNTAINE WALKER, illustration de John LOCKWOOD KIPLING, fils de l'auteur)

mercredi 23 octobre 2013

Les carnets d'Hercule

Je ne peux pas résister à ce genre d'objet. Encore une fois le résultat est impeccable. Nous avions déjà suivi les confidences d'Ulysse, ici ce sont celles encore plus meurtrières d'Hercule. Milan jeunesse a à nouveau fait appel à Stéphane FRATTINI pour le texte et propose encore des pages "manuscrites", aux croquis sur le fait ou plus détaillés, aux pages tâchées ou arrachées. Allez juste deux petites remarques avant de débuter: une police beaucoup plus lisible mais un cordon d'attache beaucoup plus fragile.

© Stéphane FRATTINI et illustré par Sébastien MOURRAIN/ Milan jeunesse

"Les carnets d'Hercule" de Stéphane FRATTINI et illustré par Sébastien MOURRAIN est une magnifique ouverture sur la mythologie grecque. Hercule nous dévoile toute sa vie sans omettre aucune part d'ombre et c'est vrai qu'elles sont nombreuses.
Hercule ne connait pas les circonstances de sa naissance et pourtant sa jeunesse est déjà sous des auspices particulièrement rageuses et extraordinaires. Jeune homme, il est plus intéressé par la nature, la vie et non le savoir. Il est déjà extrêmement fort et impétueux.
Avant même de connaître sa généalogie, ici présentée d'ailleurs (superbe bonus en passant), il a déjà tué par susceptibilité. Il raconte dans ses carnets comment se déroulent pas à pas les grands moments de sa vie, les premières conséquences de ses actes guerriers.
Nous découvrons une léonté apparue bien avant le lion de Némé et aussi de nombreux autres exploits ou mésaventures en plus des douze travaux que lui ordonne Eurysthée.
Hercule avoue ses colères, ses rages meurtrières, ses doutes et ses égarements. Il offre aussi ses coquineries, cumulant conquête après conquête, sans même compter les filles de Théspios, et accumulant sa progéniture: Mégare qu'il tue dans un moment de folie mais aussi Parthénope, Iole, Omphale reine de Lydie ou Déjanire.

© Stéphane FRATTINI et illustré par Sébastien MOURRAIN/ Milan jeunesse

Dans cette "autobiographie", les exploits et les coups de folie se succèdent mais aussi les rages divines d'Héra et les aides d'autres dieux. Les mains lestes et l'impulsivité d'Hercule donnent plus souvent la mort que la vie, même les êtres chers à son cœur ne sont pas épargnés. En cela cette version, presque adulte, est très détaillée dans les failles humaines (ou divines). Elle offre aussi une vision bien querelleuse et meurtrière mais aussi pleine de souffre. Alors oui bien que certaines situations dramatiques sont bien explicites, les joliesses nocturnes sont elles plus suggérées (sauf celle de ce cher cousin Iolas, tout de même).
Les détails des douze travaux diffèrent montrant bien la difficulté à rapporter une légende orale et traduite tellement de fois: des pommes d'or du jardin des Hespérides sans peau mais à l'écorce au parfum divin d'agrumes, des oiseaux de Stymphale ressemblant grâce à l'illustrateur à de redoutables ptéranodons carnivores.

© Stéphane FRATTINI et illustré par Sébastien MOURRAIN/ Milan jeunesse

Le travail de Stéphane MOURRAIN apporte d'ailleurs beaucoup. Des esquisses sur le vif, des dessins plus poussés, des croquis de stratégie, des listes de courses mais aussi (et c'est l'originalité d'un tel livre) des tâches, des ratures et des dessins pouvant très bien être repris pour une statuaire antique ou sur des poteries (mais bien-sûr!).

mardi 22 octobre 2013

T'étais qui, toi? Léonard De Vinci

Je cherche toujours. Je slalome entre les livres jeunesse, je peux me perdre dans une librairie, j'y reste des heures et pourtant je ne lis pas les livres. La quatrième de couverture mais aussi la recherche par maison d'éditions. Et puis il y a les centres d’intérêt qui grandissent avec le lutin du foyer (7 ans maintenant). Moins d'albums sauf sur les contes, la mythologie (et encore cela dépend beaucoup de la qualité du texte) et pour suivre certains auteurs favoris. Plus de documentaires et plus de livres romans adolescents.
Dans la veine des livres "culturels", je parle aussi beaucoup à mon libraire (ma petite adorée est partie vers un autre horizon professionnel). Je pioche ainsi des documentaires différents où je tente d'y trouver de l'humour et de l'enthousiasme. La collection "T'étais qui, toi?" des éditions Actes Sud junior répond ainsi à mes attentes historiques. Bon, j'aurais aussi pu m'en douter un peu en sachant qu'elle est dirigée par Vincent CUVELLIER. J'aime d'ailleurs beaucoup sa manière de présenter la collection.

 © Olivier LARIZZA et Nikol/ Actes sud junior
 
"T’étais qui, toi? Léonard de Vinci" de Olivier LARIZZA et illustré par Nikol est une biographie décalée. Bien-sûr l'histoire de sa vie nous est dévoilée.

Enfant, il était dans le village de sa maman et profitait d'un précepteur mais surtout de ses multiples balades en plein nature. C'est un grand observateur de la flore, de la faune et il découvre, expérimente, se questionne. Un grand curieux, bagarreur et très actif.
A 13 ans, son grand-père adoré meurt et lui, le fils illégitime d'un notable va le retrouver en ville, à Florence, cœur de la Renaissance, des savoirs et des arts. Il entre dans la bottega (atelier d'artistes) tenue par Andrea Verrochio. Grâce aux travaux commandés au maître, ce sont les techniques de dessins, de peinture mais aussi une ingénierie au service des seigneurs qui se pratiquent.
Puis Léonard se met à son compte, laisse des œuvres inachevées au profit d'autres. Il collabore avec Zoroastre, fréquente les garçons et se fait de plus discret concernant sa vie amoureuse. Il déménage aussi et va se mettre au service du pouvoir en place (en tant qu'artiste ou conseiller militaire), en restant opportuniste et espère la reconnaissance.
Tout le parcours apparait, jusqu’à sa mort. Léonard semble plus intéressé par la construction d'engins ou de sculptures de décors de manifestations somptueuses. Il est propre à un orgueil surdimensionné.

 © Olivier LARIZZA et Nikol/ Actes sud junior

Là où la biographie prend toute sa saveur est pourtant dans des détails: la puanteur de la bottega de Verrochio (des poules vaquent à leurs occupations partout, le jaune d’œuf étant un élément essentiel à la peinture à l'huile), les expériences biologiques de Léonard mais aussi sa mauvaise humeur. Léonard apparait dans ses parts d'ombre et restera un éternel insatisfait.

 © Olivier LARIZZA et Nikol/ Actes sud junior

Les illustrations de Nikol en bleu turquoise et noir apportent une image d'un garnement et d'une érudition. Le fourmillement de la Renaissance mais aussi des savoirs de De Vinci. Très belle mise en valeur.

Il s'agit bien là d'une biographie à relire comme un petit roman et toujours savoureux et drôle. Il parait que toute la collection est comme cela: pas forcément tournée vers les personnages gentils tout plein mais bien épatants à d'autres égards. A suivre donc!

Calvin et Hobbes, Il y a des trésors partout!

La série des Calvin et Hobbes peut se lire à partir de n'importe quel tome. Au fil des pages, ce sont de petites anecdotes sur une ligne de trois ou quatre bulles.

© Bill WATTERSON/ Hors collection

Ici le volume 20 "Calvin et Hobbes, Il y a des trésors partout!" de Bill WATTERSON. Calvin est un garçon de 6/7 ans plein d'énergie. Cancre à l'école, il est pourtant d'une extrême intelligence, curieux, débrouillard et aventurier.
Son imaginaire le rattrape au quotidien, il a vite fait de rêver de dinosaures en cours, de complots. Ainsi sa vie est pleine de jeux mais aussi de grandes questions sur la vie.

C'est un garçon solitaire. Il y a bien son meilleur ami Hobbes, magnifique tigre philosophe, mais en fait, ce sont bien des monologues d'enfant car dès que les parents intègrent l'image Hobbes redevient une peluche.

© Bill WATTERSON/ Hors collection

Il s'agit d'un vrai plaisir de lecture pour les enfants comme pour un lectorat adulte. Les plus jeunes y découvriront quelques caprices, des farces et des aventures. Les plus vieux auront en seconde lecture une très belle critique de la société. Les supports des médias sont criblés, la consommation, les avancées technologiques mais aussi le rapport à l'éducation.


"Mrs Worwood, je refuse d'apprendre cette leçon à moins que... "
© Bill WATTERSON/ Hors collection

Et plus encore il s'agit aussi de réflexions philosophiques, oui Calvin et Hobbes n'ont pas des noms de philosophes pour rien. La solitude, la reconnaissance, la vie, la mort, l'art conceptuel, le bonheur mais aussi beaucoup de questions sur l'éthique, tout cela vu par le prisme d'un enfant sacrément intelligent qui met son esprit à des fins toutes personnelles. Hobbes lui poursuit dans les travers mais sait aussi se préserver des conséquences.

© Bill WATTERSON/ Hors collection

Une superbe série à suivre donc.

lundi 30 septembre 2013

La mer et lui

Le duo Henri MEUNIER et Régis LEJONC avait déjà fait des merveilles, leur nouvelle proposition aux éditions Notari nous emmène encore dans une poésie fine.

© Henri MEUNIER et Régis LEJONC/ Notari

"La mer et lui" nous parle d'un amour, d'une aventure, d'une vie, d'une solitude: celle d'un marin et de la mer. Le capitaine part à la retraite, il descend sur terre et fait une demande folle à la mer, de le suivre. Toute guillerette, elle accepte, se vide et remplit un verre.

D'une solitude en mer, la retraite amène au marin un dialogue. La mer raconte tous les exploits que les hommes ont fait sur son dos, elle parle aussi de son intimité, les abysses et les trésors enfouis, mais aussi de sa curiosité. Le capitaine la fascine par la mythologie inventée sur elle et par le récit de sa vie à son bord.
Tous les deux forment un couple, vivent une vie, y mettent leur "sel". Mais la mer manque, aux autres marins, aux enfants épris de baignades. Elle était aussi tout ou beaucoup pour eux.

© Henri MEUNIER et Régis LEJONC/ Notari

"Dans un meublé modeste il est un petit verre qui contient toute la mer, la mer et ses fidèles, poissons, moutons, tempêtes, vagues et hauts-fonds, étoiles, alizés, phares, brumes et sirènes en grande conversation avec le capitaine."

Le texte d'Henri MEUNIER est poétique à souhait, nous suggère plus qu'il nous dit les merveilles, les légendes, les mystères et cette complicité entre les deux.

© Henri MEUNIER et Régis LEJONC/ Notari

Les illustrations de Régis LEJONC, véritables petits tableaux, parlent d'une autre voix. Peu de mer et d'océan en fait mais beaucoup de paysages et d'urbanité, de ce que l'homme a construit, avant d'y réintégrer ce qui était avant lui, qui nous manque... la nature dans ce qu'elle a d'indomptable, de fascinant et de réconfortant.
Une autre lecture peut aussi se faire, écrite en dernière page : une ouverture picturale à l'art, à d'autres œuvres de HOPPER, BOUDIN, HOKUSAI ou DE CHIRICO et j'en passe. Ce qui fait une magnifique ouverture à cet amour de la mer!

"La mer est brave fille. Romantique et naïve, on lui doit de gentilles trouvailles comme la vie ou l'horizon."

Merci infiniment aux éditions Notari.