lundi 10 juin 2013

Une étoile dans le noir

Je voulais en parler il y a déjà quelques mois. Je voulais aller vite parce qu'il s'agit d'un petit trésor et puis je n'ai pas su quoi écrire. Je n'en parlerais peut-être pas mieux maintenant, tant pis, ce sera à vous de découvrir à quel point le livre va loin.

© Lucia TUMIATI et Joanna CONCEJO/ Editions Notari

"Une étoile dans le noir" de Lucia TUMIATI et illustré par Joanna CONCEJO est un livre jeunesse sans en être un. Il en a le format, presque les illustrations (encore que) mais le texte est dense, profond et les mots ont une sagesse.

Le narrateur, un jeune berger s'occupant des chèvres de la famille, nous parle de sa rencontre avec un autre enfant. Un garçon solitaire, avec des frères, vivant dans le même coin mais laissant perplexe, déstabilisant. Mais au fond, c'est un garçon comme lui, non?! Et bien non! Cet enfant semble un peu sot, plus lent, plus "distrait" à moins que ce soit dû à des préoccupations, une gravité d'adulte dans un corps d'enfant.
"Ce garçon qui parle comme un petit vieux me ferait presque rire, si ce n'étaient ces larmes qui lui coulent soudain et me laissent sans voix.
"Salut, je dois partir".
Il ne me répond pas. Il reste sous l'arbre à regarder dans le lointain."

A travers le quotidien du narrateur et ses discussions avec l'autre, un décalage devient flagrant. Les gestes du quotidien n'ont plus cette spontanéité du présent mais semblent juste une étape.
L'injustice de l'enfance, l'obéissance dû aux parents, le rôle parental sont ici sortis de leur résonance singulière pour prendre une autre plus universelle. La temporalité ne semble plus la même. Les actes n'ont plus les mêmes conséquences.

 © Lucia TUMIATI et Joanna CONCEJO/ Editions Notari

Le narrateur est juif, heureux de l'être, de fêter, de suivre les enseignements des rabbins. Il aimerait tout de même un décloisonnement mais son ami, lui, remet même en question l’œuvre de Dieu, parle de la loi juive, la respecte, mais semble vouloir la comprendre et évaluer ses erreurs, ses lacunes, les manquements de l'éducateur religieux.

La rencontre des deux enfants est un choc, une prise de conscience mutuelle.
Le narrateur est insouciant, juste dans l'instant et ces fragilités, situations ou frustrations. L'autre garçon semble responsable de plus que de lui, il est soucieux, sérieux. Il réfléchit à la justice, à la culpabilité, aux victimes et aux autres, au don, à l'amour exempt de souffrance, à l'obéissance attendu des enfants, au cycle de la vie, aux multiples vérités et au chemin guidé par les étoiles.
En observant la vie d'un enfant, l'autre garçon avance dans sa réflexion. Le narrateur lui semble être ici comme un garde fou, il est le témoin du désespoir de son ami et arrive, tant bien que mal, juste une fois à le faire devenir un enfant, juste un enfant, le temps d'un déguisement.
Le narrateur est témoin des fulgurances que son ami a sur l'avenir, d'une certaine omniscience mais aussi de ses premières paroles de sagesse voire même de ses premiers "miracles". Il entrevoit aussi le sacrifice, de Marie sa mère épouvantée, désespérée devant cet acte attendu du Père, de ce fils, conscient de la souffrance et du sacrifice qu'il endurera plus tard...

"Je repense à ses quelques mots et j'essaie de comprendre ce qu'ils voulaient dire vraiment, mais j'ai peur de trop bien comprendre, et donc de grandir trop vite."

© Lucia TUMIATI et Joanna CONCEJO/ Editions Notari

Le travail de Joanna CONCEJO est celui d'un impressionniste, ce sont des gestes, des détails,  des instants. Ils ne peuvent être que cela et plus encore comme le début d'une réflexion personnelle. Ces petits papiers collés avec les dessins monochromes ne sont juste que des pauses, avant de reprendre.
***
Bien-sûr il s'agit d'une enfance particulière, celle d'un homme destiné à être l'étoile dans le noir de beaucoup d'autres, vous l'aurez compris.

Merci infiniment aux éditions Notari pour votre confiance.

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