jeudi 31 octobre 2013

American Gods



"Il était assez près pour qu'Ombre voit son visage: vieux mais satisfait, le visage d'un homme ayant goûté le vinaigre de la vie et constaté qu'il s'agissait essentiellement de whisky - de bon whisky."

(extrait de "American Gods" de Neil GAIMAN, source photographie d'un sans-abri, indien natif Cherokee)

mercredi 30 octobre 2013

Eduard Einstein à Burghölzli


"Une moitié de mon cerveau s'adresse à l'autre partie. Elle parle un langage que je ne comprends pas, que je n'ai pas appris.
- C'est peut-être de l'hébreu.
- Peut-être, puisque je ne comprends pas l'hébreu. Et à ce moment-là, tout se déchaine dans mon crâne. Une partie de mon corps prend le relais, et l'autre ne m'appartient plus.
- Je sais, Einstein. Tu es ici pour que cela cesse.
- Mais cela se poursuit.
- Tu n'as pas l'impression de moins souffrir qu'avant? Ou bien tout ce que nous faisons pour toi est-il vain? Il faut le dire, Eduard, si tu te montres ingrat à ce point.
- Il est vrai que je ressens moins les choses qu'avant.
- Cela veut dire que tu es sur la bonne voie, Eduard. Le progrès c'est de moins percevoir la douleur de l'existence. De se montrer insensible aux turbulences. Quinze années passées ici ont fait de toi un autre homme, tu sais. Moi-même j'ai pu le constater.
- J'ai beaucoup grossi.
- On se moque du poids.
- Je parle plus lentement, et parfois, j'ai du mal à exprimer clairement ma pensée.
- Les gens ne séjournent pas au Burghölzli pour penser, Eduard.
- Ceux qui sont là depuis trente ans ne s'expriment presque plus.
- Sont-ils vraiment à plaindre? Ne te sens-tu pas plus en sécurité dans notre monde, que dehors? De nombreuses personnes t'envient, tu sais?"

(extrait de "Le cas Eduard Einstein" de Laurent SEKSIK, source du dessin de la clinique Burghölzli en Suisse où a exercé Carl Gustav JUNG et Eugen BLEULER, premier à introduire les mots schizophrénie et autisme dans le discours psychiatrique. Eduard Einstein y a subi une cure de Sakel, une insulinothérapie et/ou convulsivothérapie, prévue pour diminuer les conséquences de sa schizophrénie)

vendredi 25 octobre 2013

Kim



"A-t-on jamais vu un disciple comme moi? cria-t-il gaiement au lama. Toute la terre t'aurait mis nu jusqu'à l'os avant dix milles des murs de Lahore, si je n'avais pas été là pour te garder.
- Je me demande en moi-même parfois si tu es un esprit, et d'autres fois si tu ne serais pas un lutin malicieux, dit le lama, avec un sourire.
- Je suis ton chela."
(extrait de "Kim" de Rudyard KIPLING, annoté par Alexis TADIE et traduit par Louis FABULET et Charles FOUNTAINE WALKER, illustration de John LOCKWOOD KIPLING, fils de l'auteur)

mercredi 23 octobre 2013

Les carnets d'Hercule

Je ne peux pas résister à ce genre d'objet. Encore une fois le résultat est impeccable. Nous avions déjà suivi les confidences d'Ulysse, ici ce sont celles encore plus meurtrières d'Hercule. Milan jeunesse a à nouveau fait appel à Stéphane FRATTINI pour le texte et propose encore des pages "manuscrites", aux croquis sur le fait ou plus détaillés, aux pages tâchées ou arrachées. Allez juste deux petites remarques avant de débuter: une police beaucoup plus lisible mais un cordon d'attache beaucoup plus fragile.

© Stéphane FRATTINI et illustré par Sébastien MOURRAIN/ Milan jeunesse

"Les carnets d'Hercule" de Stéphane FRATTINI et illustré par Sébastien MOURRAIN est une magnifique ouverture sur la mythologie grecque. Hercule nous dévoile toute sa vie sans omettre aucune part d'ombre et c'est vrai qu'elles sont nombreuses.
Hercule ne connait pas les circonstances de sa naissance et pourtant sa jeunesse est déjà sous des auspices particulièrement rageuses et extraordinaires. Jeune homme, il est plus intéressé par la nature, la vie et non le savoir. Il est déjà extrêmement fort et impétueux.
Avant même de connaître sa généalogie, ici présentée d'ailleurs (superbe bonus en passant), il a déjà tué par susceptibilité. Il raconte dans ses carnets comment se déroulent pas à pas les grands moments de sa vie, les premières conséquences de ses actes guerriers.
Nous découvrons une léonté apparue bien avant le lion de Némé et aussi de nombreux autres exploits ou mésaventures en plus des douze travaux que lui ordonne Eurysthée.
Hercule avoue ses colères, ses rages meurtrières, ses doutes et ses égarements. Il offre aussi ses coquineries, cumulant conquête après conquête, sans même compter les filles de Théspios, et accumulant sa progéniture: Mégare qu'il tue dans un moment de folie mais aussi Parthénope, Iole, Omphale reine de Lydie ou Déjanire.

© Stéphane FRATTINI et illustré par Sébastien MOURRAIN/ Milan jeunesse

Dans cette "autobiographie", les exploits et les coups de folie se succèdent mais aussi les rages divines d'Héra et les aides d'autres dieux. Les mains lestes et l'impulsivité d'Hercule donnent plus souvent la mort que la vie, même les êtres chers à son cœur ne sont pas épargnés. En cela cette version, presque adulte, est très détaillée dans les failles humaines (ou divines). Elle offre aussi une vision bien querelleuse et meurtrière mais aussi pleine de souffre. Alors oui bien que certaines situations dramatiques sont bien explicites, les joliesses nocturnes sont elles plus suggérées (sauf celle de ce cher cousin Iolas, tout de même).
Les détails des douze travaux diffèrent montrant bien la difficulté à rapporter une légende orale et traduite tellement de fois: des pommes d'or du jardin des Hespérides sans peau mais à l'écorce au parfum divin d'agrumes, des oiseaux de Stymphale ressemblant grâce à l'illustrateur à de redoutables ptéranodons carnivores.

© Stéphane FRATTINI et illustré par Sébastien MOURRAIN/ Milan jeunesse

Le travail de Stéphane MOURRAIN apporte d'ailleurs beaucoup. Des esquisses sur le vif, des dessins plus poussés, des croquis de stratégie, des listes de courses mais aussi (et c'est l'originalité d'un tel livre) des tâches, des ratures et des dessins pouvant très bien être repris pour une statuaire antique ou sur des poteries (mais bien-sûr!).

mardi 22 octobre 2013

T'étais qui, toi? Léonard De Vinci

Je cherche toujours. Je slalome entre les livres jeunesse, je peux me perdre dans une librairie, j'y reste des heures et pourtant je ne lis pas les livres. La quatrième de couverture mais aussi la recherche par maison d'éditions. Et puis il y a les centres d’intérêt qui grandissent avec le lutin du foyer (7 ans maintenant). Moins d'albums sauf sur les contes, la mythologie (et encore cela dépend beaucoup de la qualité du texte) et pour suivre certains auteurs favoris. Plus de documentaires et plus de livres romans adolescents.
Dans la veine des livres "culturels", je parle aussi beaucoup à mon libraire (ma petite adorée est partie vers un autre horizon professionnel). Je pioche ainsi des documentaires différents où je tente d'y trouver de l'humour et de l'enthousiasme. La collection "T'étais qui, toi?" des éditions Actes Sud junior répond ainsi à mes attentes historiques. Bon, j'aurais aussi pu m'en douter un peu en sachant qu'elle est dirigée par Vincent CUVELLIER. J'aime d'ailleurs beaucoup sa manière de présenter la collection.

 © Olivier LARIZZA et Nikol/ Actes sud junior
 
"T’étais qui, toi? Léonard de Vinci" de Olivier LARIZZA et illustré par Nikol est une biographie décalée. Bien-sûr l'histoire de sa vie nous est dévoilée.

Enfant, il était dans le village de sa maman et profitait d'un précepteur mais surtout de ses multiples balades en plein nature. C'est un grand observateur de la flore, de la faune et il découvre, expérimente, se questionne. Un grand curieux, bagarreur et très actif.
A 13 ans, son grand-père adoré meurt et lui, le fils illégitime d'un notable va le retrouver en ville, à Florence, cœur de la Renaissance, des savoirs et des arts. Il entre dans la bottega (atelier d'artistes) tenue par Andrea Verrochio. Grâce aux travaux commandés au maître, ce sont les techniques de dessins, de peinture mais aussi une ingénierie au service des seigneurs qui se pratiquent.
Puis Léonard se met à son compte, laisse des œuvres inachevées au profit d'autres. Il collabore avec Zoroastre, fréquente les garçons et se fait de plus discret concernant sa vie amoureuse. Il déménage aussi et va se mettre au service du pouvoir en place (en tant qu'artiste ou conseiller militaire), en restant opportuniste et espère la reconnaissance.
Tout le parcours apparait, jusqu’à sa mort. Léonard semble plus intéressé par la construction d'engins ou de sculptures de décors de manifestations somptueuses. Il est propre à un orgueil surdimensionné.

 © Olivier LARIZZA et Nikol/ Actes sud junior

Là où la biographie prend toute sa saveur est pourtant dans des détails: la puanteur de la bottega de Verrochio (des poules vaquent à leurs occupations partout, le jaune d’œuf étant un élément essentiel à la peinture à l'huile), les expériences biologiques de Léonard mais aussi sa mauvaise humeur. Léonard apparait dans ses parts d'ombre et restera un éternel insatisfait.

 © Olivier LARIZZA et Nikol/ Actes sud junior

Les illustrations de Nikol en bleu turquoise et noir apportent une image d'un garnement et d'une érudition. Le fourmillement de la Renaissance mais aussi des savoirs de De Vinci. Très belle mise en valeur.

Il s'agit bien là d'une biographie à relire comme un petit roman et toujours savoureux et drôle. Il parait que toute la collection est comme cela: pas forcément tournée vers les personnages gentils tout plein mais bien épatants à d'autres égards. A suivre donc!

Calvin et Hobbes, Il y a des trésors partout!

La série des Calvin et Hobbes peut se lire à partir de n'importe quel tome. Au fil des pages, ce sont de petites anecdotes sur une ligne de trois ou quatre bulles.

© Bill WATTERSON/ Hors collection

Ici le volume 20 "Calvin et Hobbes, Il y a des trésors partout!" de Bill WATTERSON. Calvin est un garçon de 6/7 ans plein d'énergie. Cancre à l'école, il est pourtant d'une extrême intelligence, curieux, débrouillard et aventurier.
Son imaginaire le rattrape au quotidien, il a vite fait de rêver de dinosaures en cours, de complots. Ainsi sa vie est pleine de jeux mais aussi de grandes questions sur la vie.

C'est un garçon solitaire. Il y a bien son meilleur ami Hobbes, magnifique tigre philosophe, mais en fait, ce sont bien des monologues d'enfant car dès que les parents intègrent l'image Hobbes redevient une peluche.

© Bill WATTERSON/ Hors collection

Il s'agit d'un vrai plaisir de lecture pour les enfants comme pour un lectorat adulte. Les plus jeunes y découvriront quelques caprices, des farces et des aventures. Les plus vieux auront en seconde lecture une très belle critique de la société. Les supports des médias sont criblés, la consommation, les avancées technologiques mais aussi le rapport à l'éducation.


"Mrs Worwood, je refuse d'apprendre cette leçon à moins que... "
© Bill WATTERSON/ Hors collection

Et plus encore il s'agit aussi de réflexions philosophiques, oui Calvin et Hobbes n'ont pas des noms de philosophes pour rien. La solitude, la reconnaissance, la vie, la mort, l'art conceptuel, le bonheur mais aussi beaucoup de questions sur l'éthique, tout cela vu par le prisme d'un enfant sacrément intelligent qui met son esprit à des fins toutes personnelles. Hobbes lui poursuit dans les travers mais sait aussi se préserver des conséquences.

© Bill WATTERSON/ Hors collection

Une superbe série à suivre donc.