dimanche 15 novembre 2015

Le huitième péché capital - J'abandonne aux chiens l'exploit de nous juger

"Nous apprenions à nous connaître. C'était très ludique. Nos répliques avaient une séduisante indépendance, il n'y avait aucun embarras dans nos apartés. Nos liens de sang ne figuraient pas dans nos espérances. Il était bien trop tard. Pour lui comme pour moi. Irréconciliables par la force des choses et par nos destins éclatés, il nous paraissait artificiel de nous étendre là-dessus, perchés sur une ramification somme toute imposée, souvent subterfuge. Nous n'étions pas des équilibristes, encore moins des archéologues. Il ne s'agissait pas de combler le temps passé, mais de passer notre temps ensemble sans le combler de remords et de reproches. Il nous était impossible de ressusciter, d'un simple coup de baguette magique, ce que nous ne connaissions pas. Nous avions fait, chacun de notre côté, le deuil des simagrées qui auraient pu travestir nos retrouvailles. Dans ce domaine nous étions bien du même sang... Il n'y avait pas de souffrance, ni de honte, la moindre faiblesse entre nous. Il y avait une alchimie, si mystérieuse, que la pudeur, ou la prudence, nous commandait d'ignorer. Par cette alchimie, et par elle seule, s'élaborait notre destinée en commun, et dans une gestation précise, elle se découvrait d'elle-même devant nous sans que nous ayons à la provoquer."

(extrait de "J'abandonne aux chiens l'exploit de nous juger" de Paul M.MARCHAND, Grasset)

jeudi 12 novembre 2015

Ida, l'extraordinaire histoire d'un primate vieux de 47 millions d'années

©  Jorn HURUM, Torstein HELLEVE et Esther VAN HULSEN/ Albin michel jeunesse

Ce documentaire est un album, une histoire pour enfant. Enfin presque. Ida est un primate et nous la rencontrons pour faire un petit bout de route avec elle, jusqu'à sa mort assez rapide.
Ida est née au sein de sa tribu il y a 47 millions d'années, elle a grandit accrochée aux poils de sa mère, puis s'est émancipée et a glaner pour se nourrir d'elle-même, sauter de branche en branche sans son aide et est partie à l'aventure, un peu. Puis elle meurt, empoisonnée, et coule au fond du lac où sa dépouille se fossilise.

©  Jorn HURUM, Torstein HELLEVE et Esther VAN HULSEN/ Albin michel jeunesse

Sauf que cette histoire est vraie. Comment donc le sait-on?
La seconde partie du livre nous ouvre les portes du travail des paléontologues.
Une zone géographique, Messel, pas encore en Allemagne, propice aux fossiles par un étrange concours de circonstance géologique. Sa faune aquatique ou terrestre vieille de 47 millions d'années. Nous est présentée aussi la théorie de l'évolution et le travail obligatoirement subjectif de l'illustratrice, Esther VAN HULSEN.

©  Jorn HURUM, Torstein HELLEVE et Esther VAN HULSEN/ Albin michel jeunesse
 
Le plus intéressant cependant est l'identification pas à pas d'Ida... les fossiles sont rarement complets, Ida n'est qu'une moitié, l'autre ayant disparue. Elle doit être conservée, examinée... par un paléontologue norvégien, Jorn HURUM, celui-là même qui nous présente cet ouvrage.

©  Jorn HURUM, Torstein HELLEVE et Esther VAN HULSEN/ Albin michel jeunesse

Mise en comparaison avec les autres fossiles de primates, découverte de son âge, de sa pâte cassée, de son alimentation (grâce aux articulations, à la mâchoire, à la bosse de ses os). L'évolution des primates et l'identification de la race d'Ida sont encore débattues... primate oui, mais prosimien (lémuriens ou loris) ou simien (singes)?

©  Jorn HURUM, Torstein HELLEVE et Esther VAN HULSEN/ Albin michel jeunesse

Le livre se termine par une partie plus interactive nous proposant de dessiner Ida, de dormir, se déplacer ou manger comme elle. Parfait pour les plus jeunes lecteurs! Ce documentaire a reçu le prix en 2014 de "La science se livre" et effectivement il est parfait en combinant une histoire et un documentaire.

lundi 9 novembre 2015

Sous l'eau/ Sous terre

Comment dire: un bijou! Nous connaissions le duo MIZIELINSKA/ MIZIELINSKI grâce à leur magnifique proposition sur les cartes des pays du monde, ils réitèrent leur volonté de nous faire découvrir les richesses du monde en nous proposant un voyage sous terre et sous les mers.

© Aleksandra MIZIELINSKA et Daniel MIZIENLINSKI/ Rue du monde

Ce documentaire grand format est entièrement dessiné et s'ouvre d'un côté ou de l'autre en fonction du choix du périple et au centre de la terre, nous tournons le livre.

© Aleksandra MIZIELINSKA et Daniel MIZIENLINSKI/ Rue du monde

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"Sous l'eau" propose de nous entrainer de plus en plus profond à la découverte et de la nature et des inventions technologiques de l'homme pour s'y déplacer: faune des lacs, océans et récifs coralliens,

© Aleksandra MIZIELINSKA et Daniel MIZIENLINSKI/ Rue du monde

explications physiques de flottaison (plongeur, bateau, sous-marin ou même vessie natatoire du poisson), de pression, puis plongée humaine, sans équipement, avec, scaphandres dans l'histoire - pour moi la "Carmagnolle" était une danse ;) -,

© Aleksandra MIZIELINSKA et Daniel MIZIENLINSKI/ Rue du monde

sous-marins militaires puis scientifiques, les fosses, les cheminées,

© Aleksandra MIZIELINSKA et Daniel MIZIENLINSKI/ Rue du monde

les géantes ou abyssales bestioles, les plateformes pétrolières et le fond du monde.

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"Sous terre" vous présente la microfaune de la terre et la faune qui s'enterre (terriers, fourmilières et certains de leurs habitants (renard, taupe, chien de prairie). Puis nous découvrons les racines des arbres qui marquent un premier étonnement sur les mesures. Le couple présente aussi les trésors cachés, racines et rhizomes comestibles, mais aussi roches et leur utilisation.

© Aleksandra MIZIELINSKA et Daniel MIZIENLINSKI/ Rue du monde
 
Et c'est aussi l'exploration des profondeurs par l'homme que nous entrevoyons: grottes et spéléologie, tunnels de circulation (trains, voitures, métros), exploitation des matières premières fossiles. Nous arrivons jusqu'à la couche terrestre, les plaques tectoniques, les volcans, le manteau et le noyau de la terre.

© Aleksandra MIZIELINSKA et Daniel MIZIENLINSKI/ Rue du monde

Ce livre est fabuleux: il nous entraine en biologie, en ingénierie, en histoire, en géologie, en paléontologie, en physique etc... Parmi les explorations certaines sont inattendues et d'autres de véritables leçons de chose (mise en service du gaz, des eaux courantes, usagées, de l'électricité). C'est foisonnant de détails sans trop de texte et très ludique.


samedi 7 novembre 2015

Pourquoi notre futur dépend des bibliothèques, de la lecture et de l'imagination


Quelques très longs extraits d'une conférence de Neil GAIMAN éditée par Le Diable Vauvert et offert à la lecture gratuitement.
Magnifique texte sur les apports de la lecture pour les enfants mais aussi, surtout, pour les adultes en devenir. L'acte de lire de la fiction comme un devoir citoyen et l'obligation de fournir à tous les moyens d'y accéder... par les bibliothèques. "Pourquoi notre futur dépend des bibliothèques, de la lecture et de l'imagination" disponible ici

"Il est important que les gens précisent dans quel camp ils se rangent et pourquoi, et s’ils pourraient être de parti pris. Une déclaration d’intérêts de la part des membres, en quelque sorte. Donc, je vais vous parler de lecture. Je vais vous dire que les bibliothèques sont importantes. Je vais suggérer que lire de la fiction, lire pour le plaisir, est une des plus importantes activités à laquelle on puisse s’adonner.[...]
Je suis de parti pris, de façon évidente et gigantesque : je suis auteur, souvent auteur de fiction. J’écris pour les enfants et les adultes. Depuis une trentaine d’années, je gagne ma vie par mes mots, en majorité en inventant des choses et en les écrivant. Il est évidemment de mon intérêt que les gens lisent, qu’ils lisent de la fiction, que bibliothèques et bibliothécaires continuent à exister et aident à favoriser l’amour de la lecture et des lieux où la lecture peut se pratiquer.
Donc, en tant qu’auteur, je suis partial.
Mais je suis beaucoup plus partial en tant que lecteur. Et plus encore en tant que citoyen britannique. [...]
La fiction a deux rôles. D’abord, c’est une drogue d’appel vers la lecture. Le besoin de savoir ce qui se passe ensuite, de vouloir tourner la page, le besoin de continuer, même si c’est dur, parce que quelqu’un a des problèmes et qu’il faut que vous sachiez comment tout cela va tourner…
…c’est une pulsion très forte. [...]
Deuxième rôle de la fiction, elle développe l’empathie. [...] Vous apprenez que tous les gens autour de vous sont des moi, eux aussi. Vous êtes quelqu’un d’autre et, lorsque vous regagnez votre propre monde, vous allez en être légèrement changé.
L’empathie est un outil qui construit des groupes à partir de gens, afin de nous permettre de fonctionner comme plus que de simples individus préoccupés d’eux-mêmes."

"Je me trouvais en Chine, en 2007, lors de la première convention de Science-fiction et de Fantasy de l’histoire chinoise à être approuvée par le Parti. Et, à un moment, j’ai pris à part un officiel de haut rang, et je lui ai demandé : « Pourquoi ? » La SF faisait depuis longtemps l’objet d’une désapprobation. Qu’est-ce qui avait changé ?
« C’est simple », m’a-t-il répondu. Les Chinois excellaient à créer des choses si d’autres leur en apportaient les plans. Mais ils n’innovaient pas, ils n’inventaient pas. Ils n’imaginaient pas. Aussi ont-ils envoyé une délégation aux USA, chez Apple, Microsoft, Google, et ils ont posé là-bas aux gens qui inventaient le futur des questions sur eux-mêmes. Et ils ont découvert que tous avaient lu de la science-fiction quand ils étaient enfants."

mardi 3 novembre 2015

Atlas du monde global

Quand vous ouvrez ce genre de livre, vous ne savez pas si le contrat sera complètement rempli. Et bien si. "Atlas du monde global, 100 cartes pour comprendre un monde chaotique" de Pascal BONIFACE et Hubert VEDRINE et cartographié par Jean-Pierre MAGNIER est un summum de connaissances sur le monde.

© Pascal BONIFACE, Hubert VEDRINE et Jean-Pierre MAGNIER/ Armand Colin et Fayard

Le livre présente tour à tour les repères du passé, que cela soit la migration des premiers hominidés, l'Europe et la colonisation, la guerre froide ou l'éclatement du Tiers-monde. Cela donne déjà une bonne base sur les défis géostratégiques. Confirmée aussi par les différentes thèses sur le monde, de "communauté internationale", de "clash des civilisations", "monde unipolaire", "multipolaire" ou "chaotique". Déjà sont en œuvre les différents thèmes de l'optimisme ou du pessimisme: progrès, multiculturalisme, sécurité, marché, circulation des idées mais aussi moins de guerre mais du terrorisme, moins d'impact des grandes puissances face à la communication de masse par internet et la fracture numérique.

© Pascal BONIFACE, Hubert VEDRINE et Jean-Pierre MAGNIER/ Armand Colin et Fayard
Thèse du monde multipolaire

Puis suivent des données économiques, écologiques, de soutien et de conflits. Entre autres, les migrations internationales, les flux commerciaux, le tourisme, la santé, les énergies fossiles, l’état de la faune et de la flore, les langues, les religions, la criminalité et le terrorisme.
Nos idées préconçues ne peuvent que voler en éclats par cette remise constante dans le contexte. Un seul élément n'étant pas suffisant pour comprendre l'immobilité, l'action, l'entraide ou la croissance. Sous nos yeux se font, défont et refont les zones de pouvoir, de droit et non-droit, les contraintes politiques ou géographiques.

Suivent ensuite les états géostratégiques de certains pays et continents associés, le continent américain du Nord mais aussi du Sud, l'Europe, l'Asie et l'Afrique. Principalement les anciennes grandes puissances mais aussi les pays émergents (Mexique, Brésil, Turquie, Inde, Afrique du Sud), un des Dragons asiatiques (Corée du sud). Puis une distinction entre méditerranées, monde arabe et Maghreb. Peu de page tout de même concernent les pays d'Amérique latine ou d'Afrique noire.

© Pascal BONIFACE, Hubert VEDRINE et Jean-Pierre MAGNIER/ Armand Colin et Fayard

Nous sommes obligés à la lecture de sortir de notre point de vue européen ou même de puissance mondiale et de voir qu'il va nous falloir s'investir encore pour prendre une place dans le monde global de manière sereine.
Sont données en page de gauche les informations historiques, les étapes clefs. Sur la page de droite, une planisphère légèrement tordue pour mettre en évidence la part du monde en question. Les cartes sont extrêmement précises et précieuses. Les abréviations, par exemple sur les accords économiques, sont nombreuses et montrent les rapports entre les continents et les pays de manière très concrètes.
Ce livre est à mettre entre toutes les mains, peu à peu, pour comprendre ce qui se joue dans les échanges internationaux, les immobilismes, les peurs.

Merci à l'opération Masse critique de Babélio et aux éditions Armand Colin/ Fayard.