dimanche 24 décembre 2017

Souhait de Noël


"J'aimerais être une musique, une chanson
que tout le monde connaîtrait, sifflerait, fredonnerait,
que chacun aurait en tête quand il serait amoureux.
J'aimerais que quelqu'un,
m'entendant soudain quelque part,
s'arrête, écoute jusqu'à ce que j'aie terminé,
puis ferme les yeux, pousse un profond soupir
et poursuive son chemin.
Et se souvienne toujours de moi.
Oui, toujours."

(extrait de "J'aimerais" de Toon TELLEGEN et portraits d'Ingrid GODON; éditions Joie de Lire)

Je me fais offrir des bandes dessinées... pas vous? 3/...

Il ne vous reste plus qu'une journée, mon libraire BD est ouvert aujourd'hui jusqu'à 18h. Si vous êtes sur Paris c'est BD16, 43 rue de la pompe 16eme (soit une autre bonne adresse à se mettre sous la dent en prévision de la fermeture d'Album dans le 5eme). Sinon je suis sûr que votre libraire fait encore quelques heures.

Je vous renvoie ici et pour d'autres propositions. Cette fois-ci je vous emmène dans les tréfonds de l'âme, dans un autre aspect du monde, plus noir, plus pesant. Oui oui cadeau de Noël ne veut pas forcément dire offrir de la douceur. Regarder le plus dur doit aussi avoir le même effet que lire des contes de fées ou écouter de la musique triste. Cela met à distance nos propres frayeurs du monde réel.

Et comment dire, il faut avoir le cœur accroché cette fois et pour la plupart aimer l'immersion dans un monde avec énormément de place prise au psychologique et non succession d'actions.


Nous pourrions commencer par une histoire des prothèses et de l'amputation. Bon, dis comme cela, ce n'est pas très réjouissant mais si Ambroise Paré vous accompagne, cela devient une aventure et médicale, et historique et même psychologique sur l'intégrité du corps. "La fabrique des corps" d'Héloïse CHOCHOI est très très bien fichu et peut s'adresser à tous public (pas comme la suite).
Ou une virée dans les affres de la nature humaine la plus glauque et noire possible, par le propos d'un tueur, obèse et asocial, cynique et profondément intelligent, soit 4 tomes d'une immersion sensorielle (sans beaucoup d'action mais une atmosphère pesante). Ne passez pas à côté, il est maintenant en intégral "Blast" de Manu LARCENET
Vous redemandez du noir, du glaçant, ici une action commune, un village honteux, coupable, et un villageois, presque un étranger, qui doit reprendre le cours des événements pour le noter dans l'Histoire. "Le rapport Brodeck" du même Manu LARCENET est aussi un enchantement. Toujours peu d'action, juste une sensation malsaine, une oppression.
"La Terre des fils" de Gipi entraine dans un monde anéanti. Un père et ses deux fils vivent en autarcie, les règles sont rigoureuses et le mot, le verbe presque inexistants. Les deux garçons doivent se construire malgré cette langue en perdition, cette humanité prête à disparaitre. Là aussi une oppresion.
Et pour finir cette fois-ci, une oeuvre plus accessible, quoique, "Jolies ténèbres" de Fabien VEHLMANN et KERASCOET... un petit monde de fée s'approprie un nouveau domaine, une enfant allongée inerte dans un champ. La mort, le chemin de décomposition d'un corps humain mais aussi tous les mauvais sentiments de cette faune que nous aurions pu croire douce et gentille. C'est bon à souhait!

Allez je reviendrais avec des sujets plus doux.

vendredi 22 décembre 2017

J'offre des livres jeunesse... pas vous? 4/... choix d'une Marraine

Oui, il ne vous reste plus beaucoup de temps, filez donc chez votre libraire jeunesse de quartier.

Voici quelques livres offerts pour accompagner des soirs de lecture, offerts pour les enfants auditeurs mais aussi pour leurs parents que j'aime tant... 
du partage, de la découverte, des émotions accompagnées et aussi... beaucoup de moi entre les lignes.
Pour une toute petite, une un peu moins petite et assez grande pour être en maternelle et pour un petit grand au début de l'école primaire.


Des liens pour les livres dont j'ai déjà parlé, de petites indications pour les autres:
Un peu de magie sans être tout à fait conventionnel:
des contes de fée:
"A l'intérieur des méchants" de Clotilde PERRIN: un livre bien trop court mais grand format et offrant des rabats amusants et de très très nombreux détails sur une multitude de contes et quelques résumés, un peu d'ogres, de loups et de sorcières... de l'humour, une autre manière de regarder les affreux, un délice!
et maintenant "A l'intérieur des gentils" pour découvrir qu'ils ne le sont peut-être pas tant.

****des histoires racontées autrement,
un "Garmann" de Stian HOLE
"Adieu Chaussette" de Benjamin CHAUD ou pour plus jeune un de ses Pomelo comme "Pomelo grandit" écrit par Ramona BADESCU
"N'y a-t-il personne pour se mettre en colère" de Toon TELLEGEN et illustré par Marc BOUTAVANT

****
pour partager la découverte du monde, même aussi loin de nous, de l'autre côté d'un continent:
"Cartes" d'Alexandra MIZIELINSKA et Daniel MIZIELINSKI
"Sous l'eau, sous la terre" du même duo
"Inventaire illustré de la mer" de Virginie ALADJIDI et illustré par Emmanuelle TCHOUKRIEL
"Comment fabriquer son grand frère, un livre d'anatomie et de bricolage" de Anaïs VAUGELADE, coup de coeur que je n'ai que feuilleté où comment parler de notre corps avec humour. Le fait de fabriquer un robot permet aussi de déplacer le réel biologique tout en donnant les bonnes informations.

jeudi 7 décembre 2017

"Son problème, c'était l'excès de pensée" - Lumikko


"Quand il regardait au loin, il voyait que le monde était rempli de gens qui cherchaient à mourir parce qu'ils ne supportaient pas le poids de leurs pensées. Au début, on trouve ça amusant, de penser, on devient facilement accro, d'autant qu'on nous y encourage dans les écoles et dans diverses activités de loisir. Et pourtant, en fin de compte, on n'y gagne que du malheur.
Talvimaa ne connaissait guère d'écrivains allant autrement que mal - et il connaissait beaucoup d'écrivains. La plupart d'entre eux souffraient d'alcoolisme, de problèmes psychiques et d'anxiété. L'excès de pensée les dévorait de l'intérieur. [...]
L'alcool rendait la pensée humaine encore plus profonde et ténébreuse, quoiqu'il procurât également de brefs instants d'apparent soulagement. Le salut se trouvait donc dans la nourriture.
Talvimaa s'était avisé de quelque chose d'important: les gens les plus heureux n'étaient guère plus que des appareils digestifs, vaguement conscients, et qui avaient parfois des orgasmes.
L'intelligence et la pensée n'étaient utiles, à tout prendre, que pour se procurer de la nourriture. Quand l'homme avait la panse pleine et un stock de nourriture à portée de main, la pensée se réduisait à la portion congrue, les soucis et les besoins tombaient peu à peu dans un parfait oubli.
Talvimaa fuyait le monde et l'excès de pensée dans son réfrigérateur, son petit monastère à lui. Pourvu qu'il mangeât avec ardeur, il n'aurait plus à se préoccuper de rien - romans non écrits, chiens, femmes, nature de l'univers, sens de la vie...
Et il savait qu'en fin de compte, il ne pleurerait plus ses doigts boudinés, ni même son pénis, qui était en voie de disparaître de l'autre côté de son bedon."
(extrait de "Lumikko" de Pasi Ilmari JÄÄSKELÄINEN, éditions 10/18; illustration extraite de "Blast" de Manu LARCENET)

- personnage impressionnant la lecture tel un ogre de conte, un assassin cousin de Prétextat Tach de NOTHOMB ou de Polza Mancini de LARCENET -

Je me fais offrir des bandes dessinées... pas vous? 2/...

Depuis quelques temps ce sont les romans graphiques qui empiètent sur mon quotidien, avec bonheur.
Voici un second billet de propositions pour adultes. Si jamais vous aviez un doute, je confirme là mes lectures sur le fil du rasoir, pleines de failles, de noirceurs mais aussi d'éblouissements. 
Des merveilles douces pour commencer: (sans ordre de préférence et avant que je fasse des billets à la énième relecture)


"L'encyclopédie des débuts de la terre" et "Les cent nuits de Hero" de Isabel GREENBERG sont des propositions de légendes, de contes, de cosmologie du monde. Un peu de mythologie nordique pour conter le nord puis une sorte de mille et une nuits féministe. Le second apporte une lecture sur ce qui fait l'homme et ses sentiments. L'humanité, création d'une enfant oiseau, attentive, émue. Ces deux propositions ne se suivent pas et peuvent se lire indépendamment l'une de l'autre.
"Lydie" de Jordi LAFEBRE et ZIDROU. Il faut le dire le scénariste Zidrou peut proposer des merveilles de sensibilité. Ici Lydie est le nouveau né de Camille, jeune fille simple d'esprit. Tout le village va accompagner cette jeune femme pour élever cette enfant perdue et revenue. Troublant de finesse, de belles émotions sans mièvrerie. 
"Les beaux étés" des mêmes Jordi LAFEBRE et ZIDROU, trilogie, dévoilent les vacances d'été d'une famille. Une année, une précédente et encore une autre, au fil des pages, de petits riens qui forment de grands bonheurs, des frustrations pouvant pourrir une relation mais surtout un amour inconsidéré des enfants et des joies partagées. Un grand bol de vent frais et de bienveillance après lecture.
"Le Club des divorcés" de Kazuo KAMIMURA en 2 tomes ou une immersion dans le Japon des années 70 en suivant le chemin d'une femme indépendante, divorcée et tenant un club. Elle est la patronne de ce bar d'hôtesses de jour et défilent les hommes attendant de la tendresse et des discussions, avec pourquoi pas un peu d'amour.
"Charlie Chan Hock Chye, une vie dessinée" de Sonny LIEW est une biographie inventée. Un homme de Singapour se raconterait là à travers des croquis, des projets de bandes dessinées, de fausses ou vraies pub. Une enfance, une vocation, une reconnaissance. Mais le tout est inventé, dessous l'histoire d'un pays, sa politique, une atmosphère, un déclaration d'amour pour la bande dessinée. Un hommage culturel.


"Andersen, les Ombres d'un conteur" de Nathalie FERLUT, biographie de l'auteur, mise en profondeur de certains personnages, cette bande dessinée met en avant la frustration de cet homme de n'être pas encore quelqu'un, puis pas reconnu pour toute son œuvre ou toute sa personnalité (et sexualité)
"Amer Béton" de Taiyou MATSUMOTO plonge dans un Japon fantasmé où deux enfants abandonnés, livrés à eux même, règnent. Un peu débrayés, sans peur de l'affrontement, ils effrayent la population. Le plus jeune a toujours la goutte au nez, rit beaucoup. Le plus vieux assure le quotidien, défie les malfrats, même les fameux Yakusa. C'est anguleux, fantaisiste, merveilleux et très violent! Deux âmes presque perdues. 
"Sunny" du même Taiyou MATSUMOTO est une série qui fait 6 tomes pour l'instant. Là tout est douceur et tristesse. Nous suivons un foyer de jeunes enfants au Japon: des orphelins, des laissés de côté par leurs parents. Les tomes se suivent dans une chronologie qui n'a que peu d'importance. Rien ne se passe vraiment, un quotidien fait de repas, de bagarres, d'école, de rixes avec les enfants des quartiers plus riches. Chaque tome s’approche plus près d'un enfant et entraine au cœur de ses émotions, de son attente, de sa frustration, de ses souvenirs. Magnifique sur l'enfance désolée.

Un prochain billet portera sur d'autres coups de cœur ou il faudra, pour certains, avoir le cœur (justement) bien accroché!