mardi 4 décembre 2012

L'homme qui faisait vieillir


"L'homme qui faisait vieillir" de Rodrigo LACERDA nous amène dans la vie de Pedro. Il est issu d'une famille bourgeoise, amoureuse des livres, la mère leur lisant des poèmes enfants, à lui et sa sœur, jusqu'à plus d'heure, son père lui mettant dans les mains les livres de José Maria de ECA DE QUEIRO.

Pedro est élève et part en vacances. Il n'est pas majeur mais ses autorisations sont là et sa grande soeur l'accompagne, les vacances promettent d'être fantastiques. Mais l'employée de l'aéroport ne veut pas le laisser monter dans l'avion, l'autorisation n'est plus valable depuis quelques jours, la grande soeur est partie. Pedro ne veut pas laisser tomber cette promesse estivale. Il revient, habillé d'un costume, d'une paire de lunettes et d'un exemplaire d'une œuvre de SHAKESPEARE en version originale, offert par son père. Il bluffe l'employée. Un livre lui a permit  de vieillir de quelques années. Un témoin de la scène vient l'aborder avant l'embarquement, un type bizarre mais charismatique. Une belle rencontre et puis la vie continue.
A la fin de sa scolarité, l'homme, Nabuco, revient dans sa vie, il n'est pas ancien directeur de théâtre comme Pedro le croyait mais ancien professeur d'histoire. C'est intriguant, Pedro veut faire fac d'histoire. Et puis Nabuco a l'art d'exprimer une réalité non voilée. Le discours de fin d'études qu'il prononce n'est pas joyeux et hypocrite, il est bien plus ancré: "Il y a des moments, des choses ou des personnes, des odeurs, des visions, certains objets et certains souvenirs qui nous font prendre conscience du passage du temps. Tout ce qui nous émeut, tout ce qui vient et qui s'en va. Si je pouvais vous donner un conseil, ce serait celui-là: ne cherchez jamais à être éternellement jeunes; aimer vivre, c'est aimer sentir, et aimer sentir, c'est, nécessairement, aimer vieillir." Pedro accueille le discours avec une joie reflétant sa frustration du moment et non sa compréhension du discours.
Et puis Pedro rentre en faculté d'histoire et s'ennuie. Il cherche à savoir s'il est fait pour devenir historien, il demande de l'aide à son professeur, qui l’envoie chez son maître à lui, Nabuco. Et là commence une initiation par les livres à la vie, à l'expression des sentiments. Ce sont des tests mais aussi le début d'une amitié et du sentiment amoureux par l'arrivée de la filleule Mayumi, magnifique jeune japonaise, élève en neuroscience des émotions.

Nabuco est un accoucheur de soi, un homme excentrique mais attentionné. Il est aussi cet homme qui faisait vieillir: "Mayumi a accepté la frustration de ne pas avoir son jouet en permanence avec elle. Quand on accepte une frustration, on attend, quand on attend, on pense. Quand on pense, on ressent des choses. Quand on ressent des choses, on vit le temps, on prend conscience du passage du temps. Et ce faisant, on vieillit."
Par ses actes, ses demandes, Pedro avance dans ses réflexions, il est seul à se découvrir même si Nabuco l'explicite. C'est une histoire de vie, d'incarnation à la vie, de vieillesse et de mort. C'est aussi un hymne à l'écriture, à cet état créatif mais aussi aux déambulations de l'esprit et à cet acte de don d'émotions.
Un beau roman initiatique destiné aux adolescents.

N'hésitez pas à lire la critique de Villoteau sur Babelio. Merci au Divan jeunesse et à Anaïs.

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